qui dérogeât d’une façon extraordinaire aux lois les mieux établies de la nature, et le problème de la bataille de la Marne lui tenait si fort à cœur qu’elle ne pouvait plus retenir sa langue. Elle se mit donc à contester la victoire française. À l’en croire, ce qu’on appelait la victoire de la Marne n’était qu’une invention des Alliés ; la vérité, c’était que, pour de savantes raisons stratégiques, les généraux allemands avaient jugé à propos de reporter leurs lignes en arrière. Pendant son séjour à Biarritz, elle s’était longuement entretenue de ce sujet avec diverses personnes de la plus haute compétence, notamment avec des officiers supérieurs des pays neutres, et aucun d’eux ne croyait à une réelle victoire des Français. Les troupes allemandes ne continuaient-elles pas à occuper de vastes territoires dans le nord et dans l’est de la France ? À quoi donc avait servi cette prétendue victoire, si les vainqueurs étaient impuissants à chasser de chez eux les vaincus ? Marcel, interloqué par ces déclarations catégoriques, pâlissait de stupeur et de colère : il l’avait vue, lui, vue de ses yeux, la victoire de la Marne, et les milliers d’Allemands enterrés dans le jardin et dans le parc de Villeblanche attestaient que les Français avaient remporté une grande victoire. Mais il avait beau rembarrer sa belle-sœur et se fâcher tout rouge : il était bien obligé de s’avouer à lui-même qu’il y avait quelque chose de spécieux dans les objections
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