Page:Blasco-Ibáñez - Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse.djvu/32

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l’accueillit avec une tendresse mêlée de curiosité sympathique à l’égard de ce frère chéri qu’elle savait être un mauvais sujet ; et il eut même la surprise de trouver aussi à la maison sa tante Héléna, qui avait laissé en Allemagne son mari Karl von Hartrott et ses innombrables enfants pour venir passer deux ou trois mois chez les Desnoyers ; mais il ne put voir son père Marcel, déjà sorti pour aller prendre au cercle des nouvelles de cette guerre invraisemblable dont l’idée hantait tous les esprits.

À quatre heures et demie, il pénétra dans le jardin de la Chapelle expiatoire. C’était une demi-heure trop tôt ; mais son impatience d’amoureux lui donnait l’illusion d’avancer l’heure de la rencontre en avançant sa propre arrivée au lieu convenu.

Marguerite Laurier était une jeune dame élégante, un peu légère, encore honnête, qu’il avait connue dans le salon du sénateur Lacour. Elle était mariée à un ingénieur qui avait dans les environs de Paris une fabrique de moteurs pour automobiles. Laurier était un homme de trente-cinq ans, grand, un peu lourd, taciturne, et dont le regard lent et triste semblait vouloir pénétrer jusqu’au fond des hommes et des choses. Sa femme, moins âgée que lui de dix ans, avait d’abord accepté avec une souriante condescendance l’adoration silencieuse et grave de son époux ; mais elle s’en était bientôt lassée, et, lorsque Jules, le peintre fashionable, était apparu dans sa vie, elle