Page:Blasco-Ibáñez - Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse.djvu/47

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Ce jour-là, pour la première fois, se révéla son caractère tenace et orgueilleux, qui s’irritait de la contradiction et devenait alors susceptible d’adopter des résolutions extrêmes. Le souvenir des coups reçus l’exaspéra comme un outrage qui réclamait vengeance. Il se refusa donc absolument à faire la guerre, et, puisqu’il n’avait pas d’autre moyen pour éviter d’y prendre part, il résolut d’abandonner son pays. L’empereur n’avait pas à compter sur lui pour le règlement de ses affaires : le jeune ouvrier, qui devait tirer au sort dans quelques mois, renonçait à l’honneur de le servir. D’ailleurs, rien ne retenait Marcel en France : car sa mère était morte l’année précédente. Qui sait si la richesse n’attendait pas l’émigrant dans les pays d’outre-mer ! Adieu, France, adieu !

Comme il avait quelques économies, il put acheter la complaisance d’un courtier du port qui consentit à l’embarquer sans papiers. Ce courtier lui offrit même le choix entre trois navires dont l’un était en partance pour l’Égypte, l’autre pour l’Australie, le troisième pour Montevideo et Buenos-Aires. Marcel, qui n’avait aucune préférence, choisit tout simplement le bateau qui partait le premier, et ce fut ainsi qu’un beau matin il se trouva en route pour l’Amérique du Sud, sur un petit vapeur qui, au moindre coup de mer, faisait un horrible bruit de ferraille et grinçait dans toutes ses jointures.