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CABARETS, CAFÉS, etc., 19.

pour avoir refusé d’ouvrir leur porte à des gendarmes après l’heure fixée pour la fermeture. Ce système fut adopté par MM. F. Hélie et Dalloz ; mais la Cour l’abandonna dans un arrêt du 22 novembre 1872, qui reconnut aux officiers de police le droit « de s’introduire dans les débits de boissons à tout moment où il y a une portion du public, fût-ce après l’heure à laquelle l’établissement devrait être fermé pour tous » ; auquel cas il y aurait une contravention au moins à constater ou à faire cesser. « Le principe de l’inviolabilité du domicile, est-il dit dans l’arrêt, ne peut protéger les débitants qu’autant qu’ils se conforment eux-mêmes aux devoirs de leur profession et aux règlements de police. Le règlement qui prescrit la fermeture est enfreint, lors même que la porte serait fermée, lorsque des buveurs sont reçus ou gardés pendant la nuit ; et si les gendarmes ne peuvent entrer après l’heure réglementaire dans le seul but de voir s’il n’y a pas une contravention, il en est autrement lorsqu’ils constatent de l’extérieur des circonstances d’où résulte une grave présomption d’infraction ; sinon, il suffirait de fermer la porte et de refuser de l’ouvrir pour s’assurer l’impunité. »

chap. v. — cafés-concerts.

19. Ces établissements sont soumis au décret de 1851 ainsi qu’aux règlements de police. D’après une circulaire du 6 avril 1853, le tarif des objets de consommation et le programme des concerts du jour doivent être affichés dans l’intérieur de chaque établissement. Tout chant contraire à l’ordre ou à la morale publique doit être sévèrement interdit. L’usage d’aucun instrument bruyant de nature à troubler le repos public ne doit être toléré à l’orchestre. Un duplicata du programme de chaque concert doit être remis, au moins vingt-quatre heures à l’avance, au commissaire de police, et l’on doit lui rendre compte, avant l’ouverture du concert, des modifications que peut subir ce programme. Une circulaire du 27 novembre 1872 recommande d’éliminer scrupuleusement les chansons obscènes, les saynètes graveleuses, et tous les divertissements pouvant porter atteinte à la morale ou à l’ordre public. L. Smith.

administration comparée.

Dans tous les pays, peut-être sans exception, le cabaret est l’objet d’une réglementation plus ou moins sévère. On y est porté par des motifs divers. Les uns veulent assurer la rentrée intégrale de l’impôt sur les boissons ; d’autres désirent empêcher qu’on fréquente le cabaret plutôt que l’église ; d’autres sont préoccupés des mœurs, ce terme pris dans son sens le plus large ; enfin, d’autres encore veulent atteindre le cabaret par des raisons politiques. Aussi a-t-on généralement introduit certains principes : 1° l’autorisation préalable qui peut être refusée a. quand il y a déjà plusieurs débits de boissons ; b. quand le candidat à la concession ne jouit pas d’une bonne réputation ; 2° le droit pour l’autorité d’y pénétrer (presque) à toute heure ; 3° le droit de fixer les heures d’ouverture et de fermeture ; 4° le droit de retirer l’autorisation ; 5° un impôt spécial.

Nous allons maintenant puiser quelques détails dans les diverses législations.

Allemagne. La loi organique de l’industrie du 21 juin 1869, art. 33, est ainsi conçue : « Celui qui vaut ouvrir une auberge (ou hôtel), un débit de boissons ou un commerce de détail en eau-de-vie ou spiritueux, doit demander une autorisation. Cette autorisation ne peut être refusée que dans les cas suivants : 1° lorsque des actes antérieurs de l’impétrant justifient la présomption qu’il encouragera l’ivrognerie, les jeux défendus, le recel ou l’immoralité ; 2° lorsque le local ne répond pas aux prescriptions de la police soit par sa situation, soit par sa nature. — Les gouvernements des États (allemands), en tant que leurs lois spéciales ne s’y opposent pas, peuvent aussi faire dépendre l’autorisation de la preuve, que le débit répond à un besoin. » En Prusse, les décisions ministérielles des 10 février et 13 septembre 1859, rappelées en janvier 1873, disposent qu’on ne peut pas refuser l’autorisation d’établir un cabaret dans un village populeux où il n’y en a pas encore. La décision de 1873 s’applique à une commune de 500 habitants, éloignée d’un kilomètre d’un village où il y a un débit de boissons. L’autorisation peut être retirée en vertu des articles 40 et 53 si la religion de l’autorité a été trompée, ou si le cabaretier ne respecte pas les lois. Ces dispositions sont moins dures que celles des ordonnances royales prussiennes des 7 février 1835 et 21 juin 1844 et même de la loi du 17 janvier 1845.

Cette loi ne s’applique pas aux restaurants, aux cuisines bourgeoises, etc., ni aux économes d’un cercle privé qui ne vend les liqueurs qu’aux membres. Si le cercle admet d’autres consommateurs, l’autorisation est de rigueur.

L’art. 365 du Code pénal allemand punit d’une amende (15 marks au plus) les personnes qui restent après l’heure de fermeture prescrite par la police. Le cabaretier qui ne renvoie pas les consommateurs — autres que des voyageurs qui logent chez lui — est passible d’une amende de 60 marks et même de 1 à 15 jours de prison. Pour qu’il soit indemne, il faut qu’il ait appelé les agents de police, éteint les lumières ou donné une autre preuve qu’il n’a pas retenu les consommateurs. D’un autre côté, un arrêt du tribunal supérieur de Berlin du 14 octobre 1374 déclare « qu’un industriel qui tient un lieu public est en droit d’en exclure tel individu déterminé ». Tout le monde a le droit d’entrer, mais non de rester contrairement à une volonté nettement exprimée du maître de la maison.

Angleterre. La législation a été souvent remaniée en Angleterre ; après une lutte très-vive qui a duré plusieurs années, elle a été réglée par le licencing Act, 1372, comme on appelle par abréviation la loi des 35-36 Victoria, chap. 94. C’est une loi fondamentale qui annule la plupart des dispositions antérieures, sans les changer peut-être autant qu’on l’a cru. Elle ne s’applique pas à l’Écosse.

Il y a deux sortes de licences qu’on ne doit pas confondre : l’une représente l’autorisation de police accordée par les juges de paix, l’autre la patente, expédiée par l’administration des finances. Cette seconde licence ne peut pas être donnée des personnes qui ne seraient pas déjà possesseurs de la première. L’autorisation n’est toujours donnée que pour un an (9 Georges IV c. 61) ; elle est accordée dans une session spéciale des juges de paix, mais le renouvellement est une simple formalité lorsqu’il n’y a pas de plainte contre le titulaire. Lorsqu’il s’agit d’une autorisation nouvelle (pour créer un nouveau cabaret), la loi de 1869 (32-33 Vict. c. 27) exige qu’ample publicité locale soit donnée à la demande, afin de provoquer l’opposition, s’il y a lieu, et la loi de 1872 veut que l’autorisation accordée par les juges de paix pendant la « spécial session » soit confirmée, dans les villes dites boroughs, par l’ensemble ou la majorité des juges de paix, et dans les comtés par un comité spécial composé de 3 juges de paix. Des dispositions particulières sont relatives à Londres. L’autorisation est accordée par le commissaire de police et approuvée par le ministre de l’intérieur. Les juges de paix qui seraient propriétaires des maisons renfermant un cabaret, ou qui seraient intéressés dans une brasserie on une distillerie, ne peuvent pas figurer parmi les comités chargés d’accorder des autorisations.

L’autorisation peut être refusée à une personne ou pour des locaux déterminés. Les lois distinguent les autorisations pour la vente de bière, de vin, ou d’eau-de-vie, et il y a en outre des refreshment rooms où l’on ne vend pas de spiritueux, et des dispositions spéciales relatives aux innkeepers (hôteliers). Registre est tenu de toutes les autorisations. L’autorisation peut être retirée à celui qui s’en rend indigne. Des dispositions de la loi de 1872 interdisent de favoriser l’ivrognerie et l’immoralité, fixent les heures de fermeture du cabaret, défendent de vendre de l’eau-de-vie à des personnes paraissant âgées de moins de 16 ans, indiquent les punitions encourues pour la sophistication des liqueurs. On peut caractériser en un mot cette législation compliquée : elle tient à rendre désagréable la profession de cabaretier, et certains législateurs n’ont pas caché leur manière de voir.

États-Unis. Chaque État de l’union américaine a, sur ce point, sa législation spéciale. Nous avons sous les yeux, entre autres, celle de Massachusetts, qui est citée comme le 88e chap. des General Statutes. Il suffit de dire qu’on ne peut ouvrir aucun débit de boissons sans autorisation, que cette autorisation peut être refusée ou retirée, que les cabarets peuvent être réglementés par l’autorité locale ou supérieure, qu’ils constituent un lieu public où l’autorité peut entrer à toute heure.

Autriche. La loi du 1er mai 1860, art. 16, 28 et 29, énumère les cafés, cabarets, hôtels parmi les industries qui ne peuvent être exercées sans autorisation préalable. Cette autorisation n’est accordée que sous les conditions fixées par l’autorité municipale. (L. 5 mars 1362, art. 5.) L’autorisation spécifie la nature de l’industrie. (L. 1er mai 1860.) Ainsi celui qui n’est autorisé qu’à débiter des boissons ne peut pas loger des voyageurs. (Code pénal autrichien, art. 320.) L’art. 403 de ce code punit