Aller au contenu

Page:Block - Dictionnaire de l’administration française, tome 1.djvu/34

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
18
ADMINISTRATION, 22-27.

L’ensemble de ces débats, considéré en masse, constitue le contentieux de l’administration ; il se compose donc d’une nature particulière de contestations, bien distinctes, comme on le voit, du contentieux judiciaire et de l’administration pure.

« Il a souvent été question de dresser la nomenclature des affaires contentieuses ; mais ce travail serait impossible. Il faudrait prendre une à une toutes les lois administratives, pour rechercher dans chacune les dispositions qui confèrent des droits aux citoyens, et pour en attribuer la connaissance à telle ou telle juridiction administrative. En supposant que cette recherche ne fût pas vaine, la loi qui en consacrerait les résultats deviendrait presqu’aussitôt incomplète, toute loi administrative ajoutant de nouvelles pierres à l’édifice du contentieux administratif. Il serait donc impossible de faire la liste des affaires qui lui appartiennent. Elles sont innombrables, mobiles, incessantes ; ce n’est point en vertu d’un texte de loi, parce qu’il aura, pour ainsi dire, plu à un législateur d’en disposer ainsi, qu’elles ressortissent au contentieux, mais bien par leur nature propre : aucune loi spéciale n’a dû intervenir pour les y classer, il en faudrait une pour les en distraire. Elles composent entre elles un ensemble légal, un corps de droit ; les lois et les principes généraux qui les concernent forment le droit commun de l’administration, comme le Code civil est celui des intérêts privés et des transactions ordinaires des citoyens. »

22. Il convient d’ajouter que, loin de restreindre le ressort naturel du contentieux administratif, quelques lois spéciales l’ont, au contraire, étendu en attribuant aux juridictions administratives la connaissance de certaines matières réservées par des raisons de haute politique.

23. Du reste, la nécessité de juridictions spéciales découle déjà clairement du passage que nous venons de citer ; le passage suivant complétera la démonstration[1].

« Dans les affaires de droit civil ordinaire, les parties en présence, procédant au même titre, ont droit aux mêmes avantages, et la balance ne peut jamais pencher pour l’une aux dépens de l’autre. Dans les affaires administratives, l’intérêt public réclame certaines facilités, certains tempéraments qui, sans altérer le droit, sont de nature à en modifier l’application. Un jour le premier président d’une cour royale refusait d’accorder un tour de faveur à une cause de l’État ; il s’agissait de l’expropriation d’une maison faisant saillie sur la voie publique. « Cette maison, laissée debout, dit-il solennellement, attestera qu’en France la justice est égale pour tous. » Voilà l’esprit de l’autorité judiciaire. Devant un tribunal administratif, la gêne éprouvée par la circulation publique eût déterminé l’examen de la contestation avant tout autre. Voilà l’esprit de la juridiction administrative. Un particulier qui n’exécute pas un marché, doit à l’entrepreneur une indemnité proportionnée au gain dont il le prive ; le Code civil l’établit ainsi. L’administration qui rompt un tel marché ne doit d’indemnité qu’en raison de la perte éprouvée. C’est la règle de la jurisprudence administrative. À moins que le droit ne s’y oppose, elle tient que l’État, c’est-à-dire la collection de tous les citoyens, et le Trésor public, c’est-à-dire l’ensemble de tous les contribuables, doivent passer avant le citoyen ou le contribuable isolé défendant un intérêt individuel. »

Quant aux juridictions administratives, nous y reviendrons plus loin (n°s 94 et suiv.).

CHAP. III. — OBJETS DE L’ADMINISTRATION.

24. On peut dire sans exagération que l’administration reçoit l’enfant en naissant, pour l’inscrire sur les registres de l’état civil ; que, s il est orphelin, elle a soin de sa nourriture, de sa santé, de son instruction ; qu’elle surveille son apprentissage ; qu’homme fait, elle l’enrôle parmi les défenseurs de la patrie ; qu’elle l’accompagne et l’entoure de sa sollicitude à chaque instant et dans toutes les circonstances de sa vie, et qu’à sa mort encore, après avoir dressé l’acte de son décès, elle lui procure le repos du tombeau.

Ce n’est pas tout. Ici nous l’avons vue occupée d’intérêts privés, qui ne deviennent généraux que parce qu’ils se répètent à l’égard de chaque individu. Il existe, en outre, des intérêts généraux proprement dits, qui ne sauraient être considérés, au moins dans la pratique, comme la somme des intérêts privés. Il s’agit de l’intérêt de l’État comme corps social, que l’administration (ou le Gouvernement) se trouve quelquefois dans la nécessité de défendre contre ses propres citoyens et contre l’agression de l’étranger.

L’ensemble de ces attributions présente un champ si vaste qu’on ne saurait l’embrasser d’un coup d’œil. Il nous a semblé nécessaire de le subdiviser et d’en parcourir chaque partie isolément, n’effleurant pourtant que les points saillants et renvoyant pour les développements aux articles spéciaux.

L’objet de l’administration nous paraît comprendre la force publique, la sécurité, l’assistance, la fortune, la morale et la richesse publiques.

Sect. 1. — Force publique.

25. À l’origine des sociétés, lorsque l’État n’était encore qu’une tribu, l’unique préoccupation du Gouvernement ou de l’administration (ces deux autorités n’en faisaient qu’une alors) c’était la défense de la communauté contre les agressions des tribus ou peuplades voisines. La population était trop peu nombreuse pour que les rapports intérieurs fussent bien compliqués : mais cette faiblesse numérique même rendait faciles les attaques les plus imprévues.

Dans les grands pays ces préoccupations sont moins profondes ; le danger qu’il s’agit de conjurer est en général moins imminent ; par contre, il est trop grave pour qu’on le perde un instant de vue. Aussi existe-t-il en France trois ministères chargés de la défense du pays contre l’étranger ; nous allons les nommer :

26. Ministère des affaires étrangères. C’est l’organe du Gouvernement dans nos relations avec les autres États. Ce sont les agents diplomatiques ressortissant à ce ministère qui, en temps de paix, protégent à l’étranger les citoyens français.

27. Ministère de la guerre. L’armée de terre est dans ses attributions. Il s’occupe du recrute-

  1. Même ouvrage, t. Ier, p. 140.