36. Deux voies sont ouvertes pour la fixation des indemnités : le règlement à l’amiable et le règlement judiciaire.
37. Si le propriétaire ne consent pas à faire à la commune l’abandon gratuit de la parcelle de terrain à réunir au chemin, le maire traite avec lui du montant de l’indemnité à accorder. S’il y a accord, les conditions de la cession, constatées par écrit et signées par le maire et le propriétaire, sont soumises à l’acceptation du conseil municipal et doivent être, sauf le cas prévu par l’art. 1er de la loi du 24 juillet 1867, approuvées par le préfet en conseil de préfecture. (L. 28 juill. 1824, art. 10.)
38. Si l’indemnité ne peut être réglée à l’amiable, elle est fixée dans les formes qui seront exposées ci-après (Voy. n° 90) quand il s’agit de terrains bâtis ou clos de murs, et, dans le cas contraire, par le juge de paix. (L. 21 mai 1836, art. 15.) Dans ce dernier cas, et conformément à l’art. 51 de la loi du 18 juillet 1837, le propriétaire dépossédé doit adresser au préfet un mémoire exposant les motifs de sa réclamation. La présentation de ce mémoire interrompt la prescription et les déchéances qui pourraient être opposées ultérieurement par la commune. Si l’autorisation de défendre à l’action intentée à la commune est refusée à celle-ci, elle doit payer l’indemnité réclamée par le propriétaire. Dans le cas, au contraire, où l’autorisation est accordée, le propriétaire nomme un expert et fait sommation au sous-préfet de l’arrondissement de nommer l’expert de la commune, en lui faisant connaître celui qu’il a choisi. (L. 21 mai 1836, art. 17.) Si l’une ou l’autre des parties négligeait ou refusait de désigner son expert, cette désignation serait faite d’office par le juge de paix. Les deux experts, après avoir prêté serment devant ce magistrat, se réunissent pour faire leur rapport sur le montant de l’indemnité due. En cas de désaccord, il est procédé à la nomination d’un tiers expert par le juge de paix, à la requête de la partie la plus diligente. (O. 26 avril 1844.)
39. L’indemnité à accorder peut, s’il y a lieu, être réduite dans sa quotité, en considération de l’augmentation de valeur qui résulterait, pour le restant de la propriété, des travaux d’élargissement du chemin. (Cass. 14 déc. 1847.) Toutefois, le chiffre de la plus-value ne doit jamais absorber la valeur des parcelles incorporées au sol du chemin vicinal. (Cass. 28 fév. 1848.)
40. La décision du juge de paix, en cette matière, est susceptible d’appel comme toute autre. (Avis du C. 19 mars 1840 ; Cass. 19 juin 1843.)
41. L’art. 18 de la loi du 21 mai a fixé à deux années la prescription de l’action en indemnité. Lorsqu’une commune prétend se prévaloir de cette disposition de la loi pour refuser le paiement de l’indemnité, cette prétention constitue un litige ordinaire de la compétence exclusive des tribunaux, le juge de paix n’ayant reçu de l’art. 15 mission de régler les indemnités que lorsque la commune reconnaît le droit de propriété et non lorsqu’elle se prétend propriétaire en vertu de l’art. 712 du Code civil. (Herman, Traité pratique de la voirie vicinale, p. 57.)
42. Le délai de deux ans, fixé par l’article 18 de la loi du 2 mai, a pour point de départ le moment où les propriétaires sont dépossédés.
43. Il est des chemins vicinaux qui, sans être assez importants pour être classés parmi ceux de grande communication, servent cependant à plusieurs communes, même autres que celles dont ils traversent le territoire, et à l’entretien desquels il est juste que ces communes concourent.
Cette catégorie de chemins n’avait pas été nominativement créée par la loi du 21 mai 1836, mais son existence résultait explicitement de l’application de l’art. 6 qui les soumettait à un régime particulier.
Cet article est ainsi conçu : « Lorsqu’un chemin vicinal intéressera plusieurs communes, le préfet, sur l’avis des conseils municipaux, désignera les communes qui doivent concourir à sa construction ou à son entretien, et fixera la proportion dans laquelle chacune d’elles y contribuera. »
44. Aux termes de cet article, prendre l’avis des conseils municipaux était la seule formalité que le préfet dût accomplir avant de désigner les communes qui devaient contribuer à la dépense. L’arrêté de désignation ne pouvait être attaqué que devant le ministre de l’intérieur.
45. La loi du 18 juillet 1860 a donné une existence légale aux chemins vicinaux d’intérêt commun, en décidant par son art. 1er et sous le n° 7, qu’il « appartiendrait au conseil général de statuer définitivement sur la désignation des chemins d’intérêt commun » et sur « la désignation des communes qui doivent concourir à la construction et à l’entretien desdits chemins, le tout sur l’avis des conseils municipaux et d’arrondissement ». Elle laissait toutefois dans les attributions du préfet la fixation de la part de contribution des communes.
46. Cette dernière attribution a été enlevée aux préfets et transférée au conseil général par les art. 44 et 46, n° 7,de la loi du 10 août 1871, qui ont, pour ainsi dire, assimilé les chemins d’intérêt commun à ceux de grande communication.
Les règles indiquées ci-dessous au sujet de ces derniers chemins sont donc applicables aux premiers.
47. Situation légale. — L’instruction du 24 juin 1836 a défini le caractère de ces chemins, en faisant remarquer aux préfets qu’ils constituent des chemins vicinaux comme ceux de petite communication ; qu’ils en conservent tous les priviléges ; que le sol sur lequel ils sont ouverts appartient aux communes ; qu’enfin les communes demeurent chargées de pourvoir à leur entretien, et que les fonds départementaux qu’il est possible d’y affecter viennent à la décharge des communes, mais seulement à titre de secours, de subvention, et non pas de dépense départementale directe. La seule différence notable entre ces chemins et les autres, ajoute le ministre, c’est que la direction et la surveillance des travaux sont placées, par la loi, sous l’autorité du préfet, par suite de la nécessité évidente de confier à une autorité centrale l’exécution des chemins qui traversent le territoire de plusieurs communes.