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Page:Block - Dictionnaire de l’administration française, tome 1.djvu/565

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CONFLIT, 87-90

toire, l’annulation de ce conflit a été prononcée, même d’office, et l’on ne peut s’étonner que de la fréquence des occasions qui ont .obligé le juge des conflits à établir ce point de jurisprudence.

87. Le même esprit a présidé à la solution de toutes les espèces dans lesquelles des considérations particulières avaient amené certains préfets à croire qu’ils pouvaient se dispenser de proposer le déclinatoire.

Ainsi, dans les premiers temps qui ont suivi l’ordonnance de 1828, quelques-uns de ces fonctionnaires avaient pensé que, lorsque l’exception d’incompétence avait été soulevée par l’une des parties en cause et que le tribunal avait statué sur cette exception, ils pouvaient élever immédiatement leconllit. Mais ils n’avaient pas vu que le déclinatoire qui doit être proposé par le préfet au nom et comme représentant dé la puissance publique, dans l’intérêt de l’ordre et du maintien des compétences, a un tout autre caractère que l’exception d’incompétence présentée par l’une des parties, cette partie fût-elle une administration publique, représentée par le préfet lui-même ou par tout autre fonctionnaire. Ils avaient perdu de vue surtout le but essentiel et fondamental des auteurs de l’ordonnance de 1828, qui n’ont pas voulu que, dans aucun cas, le pouvoir administratif pût dessaisir l’autorité judiciaire sans l’avoir appelée à examiner, contradictoirement avec la revendication administrative, sa compétence contestée par cette revendication. Aussi le Conseil d État n’a-t-il jamais hésité à décider que l’exception d’incompétence proposée par les parties et le jugement rendu sur une telle exception ne dispensent pas (de même qu’ils n’empêchent pas) le préfet de proposer lui-même le déclinatoire, avant de pouvoir élever ensuite, s’il y a lieu, le conflit.

Cette règle générale a été maintenue avec fermeté, même dans des circonstances qui, envisagées superficiellement, auraient pu la faire fléchir.

Ainsi, deux décisions des 14 août 1837 et 4 avril 1845 l’ont appliquée au cas où l’exception d’incompétence avait été pf oposée par un ministre, partie en cause.

D’autres décisions, notamment celles des 27 novembre 1,835, 9 mai 1841, 5 septembre 1842, 12 juin 1850, 21 décembre 1858, 14 décembre 1872, etc., l’ont appliquée au cas où cette exception avait été soulevée par le préfet lui-même, partie en cause au nom de l’État.

Il en est de même des jugements sur les conclusions ou réquisitions par lesquelles le ministère public a proposé d’office l’incompétence du tribunal. (3 mai 1839, 25 mars 1848.)

ART. 2. — CAS D’APPEL

88. Le conflit peut, comme nous l’avons vu, être élevé en appel 1° lorsqu’il n’a pas été élevé en première instance 20 lorsqu’il y a été élevé irrégulièrement et qu’il a été annulé parce motif ; S0 lorsque le déclinatoire présenté en première instance ayant été accueilli par le tribunal, la partie intéressée interjette appel de ce jugement.

Dans les deux premiers cas, la jurisprudence qui vient d’être analysée reçoit complètement son application ; le déclinatoire préalable doit nécessairement être proposé ou renouvelé avant que le conflit puisse être élevé. Le Conseil d’État l’a ainsi- décidé dans des espèces fort diverses, parmi lesquelles nous choisissons seulement une décision du 6 mars 1846, qui résume ainsi la règle générale et l’exception unique que celle-ci comporte :

« Considérant que, d’après l’ordonnance du 1" juin 1828, le préfet doit, en cause d’appel comme en première instance, proposer un déclinatoire avant d’élever le conflit ; qu’il n’y a d’exception à cette règle que quand, sur le déclinâttiirê proposé, le tribunal s’est déclaré incompétent ; que, dans ce cas, l’art. 8 de l’ordonnance précitée autorise le préfet à élever le conflit dans la quinzaine qui suit la notification de l’acte d’appel qu’il résulte de l’instruction que le déelinatoire proposé par le préfet de la Haute-Garonne devant le tribunal civil de Villefranche, avait été rejeté par le jugement susvisé du 12 juin 1845 ; que dés lors ledit préfet ne pouvait, sur l’appel porté devant la cour de Toulouse, élever le conflit sans proposer un nouveau déclinatoire, etc. »

89. Une autre exception avait été cependant introduite par une décision du 15 août 1839, qui avait décidé que le déclinatoire1 irrégulièrement élevé par un préfet autre que celui du département, c’est-à-dire par un préfet incompétent,’ pouvait dispenser le préfet compétent, lorsqu’il pren’àît la suite de l’affaire en appel, de présenter lui-même un nouveau déclinatoire avant d’élever le conflit. Mais c’était une erreur évidente, et le Conseil d’État l’a ultérieurement condamnée lui-même. (18 déc. 1848.)

90. Venons à l’exception indiquée par la décision du 6 mars 1846. L’art. 8 de ordonnance de 1828 dispose que, si le déclinatoire présenté en première instance est admis parle tribunal, le préfet pourra élever le’ conflit dans la quinzaine qui suivra la signification de l’acte d’appel, si la partie interjette appel du jugement. Dans ce dernier cas, le Conseil d’Etat a longtemps décidé, comme dans tous les autres, que le conflit devait être précédé d’un nouveau déclinatoire il y avait, à ses yeux, les mêmes raisons de déférence envers l’autorité judiciaire, la même convenance et la même utilité à appeler préalablement le juge d’appel à statuer sur sa propre compétence, et la déclaration d’incompétence déjà émanée des premiers1 juges fournissait une raison de plus d’espérer que’l’administration ne serait pas obligée d’employer ce remède extrême du conflit, qui doit être réservé pour le cas d’absolue nécessité. (18 ocl. 1833^ Wjanv. 1835,20 avril 1835, l0 déc. 1835, 26 mai 1837 et 23 avril 1840.) Mais, quelques jours après cette dernière date, le Conseil d’Etat a renversé une jurisprudence qui paraissait si bien assise une décision du 22 mai 1840 a consacré ce revirement dans les termes suivants :

« Considérant, sur la régularité du conflit, que le déclinatoire a été proposé par le préfet devant le tribunal de Marseille, qui y a fait droit par jugement du 17 août 1838 ; qu’appel ayant été interjeté dudit jugement, le préfet a élevé le conflit dans la quinzaine de la signification de l’acte d’appel, et s’est ainsi littéralement conformé aux dispositions de l’art. 8 de l’ordonnance du 1er juin 1828. »

La nouvelle interprétation de l’art. 8, pour le