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Page:Block - Dictionnaire de l’administration française, tome 1.djvu/581

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CONFLIT, 149-152

infructueux. Ces efforts, dit M. Boulatignier (p. 499), ont échoué, non pas tant contre l’indifférence des procureurs du Roi que contre les difficultés que ces magistrats éprouvent à se faire remettre, par les avoués des parties, les pièces dont la production est exigée. Il est naturel de penser que les parties désirent que les conflits se vident le plus promptement possible, et qu’elles s’empressent à faire tout ce qui dépend d’elles pour hâter la solution mais les choses ne se passent pas ainsi, et l’on a vu des avoués qui croyaient que leurs clients avaient intérêt à prolonger le litige, par exemple, parce qu’ils étaient en possession de l’objet litigieux, refuser la production de l’exploit d’assignation avec une persistance que l’on n’a pu vaincre que par la menace de poursuites disciplinaires. Ce genre d’obstacle était devenu assez fréquent pour que M. le garde des sceaux en ait fait l’objet d’instructions spéciales adressées aux procureurs généraux, sous la date du 1er décembre 1842. »

149. Quoique les conflits ne rentrent pas, & proprement parler, dans la catégorie des affaires contentieuses (n° 136), ils y étaient presque entièrement assimilés sous le rapport de la procédure, et il en est encore de même aujourd’hui, ainsi qu’on peut s’en convaincre en se reportant au règlement de 1849, remis en vigueur par la loi du 24 mai 1872.

Il faut remarquer toutefois que l’intervention des parties y est purement facultative, et qu’elle ne peut être présentée sous la forme d’une demande en intervention proprement dite (7 avril 1835). En outre, l’intervention des tiers, c’està-dire de tous autres intéressés que ceux qui figurent personnellement dans le litige, n’est recevable à aucun titre et sous aucune forme. (27 avril 1847.)

Enfin les parties ne peuvent prendre des conclusions, dans le sens ordinaire du mot, et spécialement des conclusions à fin de dépens. C’est la disposition formelle de l’art. 7 de l’ordonnance du 12 décembre 1821, qui a continué à recevoir son application depuis 1828 on peut consulter, entre autres décisions sur ce point, celles des 31 août 1847 et 20 mai 1850, qui se sont bornées à viser textuellement l’art. 7 de l’ordonnance de 1821, sans se prononcer explicitement sur les dépens demandés, et celles, plus explicites, des 26 février 1857 et 13 décembre 1861.

150. Quant aux formes de l’instruction devant le Tribunal des conflits et à celles des, décisions qu’il rend, il suffit de renvoyer aux art. 1 à 9 du règlement du 26 octobre 1849 et à la loi du 4 février 1850. Remarquons seulement que le § 2 de l’art. 1er de cette loi et son art. 2 ont été abrogés par l’art. 25 de la loi du 24 mai 1872.

art. 4. — délais dans lesquels il doit être statué.

151. « Il doit être statué sur le conflit dans le délai de deux mois à partir de la réception des pièces[1] au ministère de la justice. Si, un mois après l’expiration de ce délai, le tribunal n’a pas reçu notification de la décision, il peut passer outre au jugement de l’affaire. » (O. 12 mars 1831, art. 7.)

Cette disposition ne peut donner lieu à aucune difficulté dans les cas ordinaires, c’est-à-dire 1o si, dans les trois mois de la réception du dossier complet au ministère de la justice, le tribunal a reçu notification d’une décision rendue dans les deux mois sur le conflit ; 2° si, après ce délai de trois mois, il procède, sur la demande des parties, à la reprise de l’instance, sans qu’aucune notification lui ait été faite avant cette demande et lui soit faite avant le jugement du fond.

152. Mais d’autres cas peuvent se présenter. Il peut arriver, d’abord, que le tribunal reçoive, dans le troisième mois, notification d’un décret rendu après les deux mois il peut arriver également qu’il reçoive, après les trois mois, et avant d’avoir statué au fond, notification d’un décret rendu après les deux mois. Que décider dans ces diverses hypothèses ?

En comparant l’art. 7 de l’ordonnance de 1831 avec l’art. 16 de l’ordonnance de 1828, on remarque que cet art. 7 ne dit pas, d’une manière formelle, comme le disait cette ordonnance, qu’à défaut de décision dans le délai fixé, l’arrêté de conflit sera considéré comme non avenu. Faut-il conclure de là que la décision peut intervenir même après les deux mois, et que, si le tribunal da pas encore statué sur le fond du litige au moment où il recevra, dans le troisième mois, ou même après ce terme, la notification d’une décision qui aura été rendue sur le conflit plus de deux mois après la date fixée, il devra s’arrêter comme si cette décision avait été rendue en temps utile ?

À nos yeux, cette question ne devrait pas être une question. En portant à deux mois le délai du jugement des conflits, l’ordonnance de 1831 n’a eu d’autre objet que celui qu’elle indique ellemême elle a voulu satisfaire aux besoins nouveaux qu’amenait l’introduction de la publicité dans la procédure du Conseil d’État. En réglant le mode de notification de l’acte qui prononce sur le conflit, elle a voulu combler une lacune de ordonnance de 1828, qui n’offrait pas le moyen de savoir régulièrement et avec certitude si le Conseil d’État avait statué. Mais entendre cette ordonnance en ce sens que désormais l’expiration du délai ne produira plus la conséquence exprimée par l’ordonnance de 1828, c’est excéder les termes et méconnaître l’esprit du texte même que l’on invoque. C’est excéder ses termes : car l’ordonnance de 1831, comme celle de 1828, accorde au tribunal le droit de passer outre au jugement du fond, non pas à la condition qu’il lui sera justifié que le Conseil d’État n’a pas statué dans un certain délai, mais à cette seule condition qu’il ne lui sera pas justifié, dans le troisième mois, d’une décision intervenue dans les deux mois précédents ; le défaut de justification dispense ici de toute notification, et il en dispense par cette raison péremptoire que, dans le système des ordonnances de 1828 et 1831, l’instance judiciaire n’est pas effacée, mais seulement suspendue par le conflit ; elle ne sera réputée non avenue que par l’effet d’une décision formelle qui confirmera ce conflit, et dès lors, s’il n’est pas justifié de cette décision selon le mode établi par ces ordonnances, s’il n’est pas constaté que la condition de laquelle dépend l’anéantissement de l’instance s’est réalisée, la

  1. C’est-à-dire de toutes les pièces exigées par les ordonnances de 1828 et de 1831 combinées (nos 139 et 140, supra).