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Page:Block - Dictionnaire de l’administration française, tome 1.djvu/583

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CONFLIT, 155-158

presque jamais de nullité, et où cependant la nullité est la conséquence incontestée de la violation ou de l’inobservation des formes et des conditions substantielles que doivent présenter les actes de l’administration. La déchéance, sinon la nullité, est catégoriquement prononcée par l’art. 16 de l’ordonnance de 1828, qui ne nous paraît pas avoir été abrogé en ce point. Enfin, s’il était vrai de dire que les déchéances et les péremptions ne peuvent être prononcées qu’autant qu’elles sont établies en termes sacramentels par la loi, il ne serait pas même possible de déclarer ici non avenue une décision qui n’interviendrait et ne serait notifiée qu’après tous les délais expirés, et même après le jugement du fond : car, si l’on admet l’abrogation de l’art. 16 de l’ordonnance de 1828, il ne reste aucun texte qui, même dans de tels cas, prononce explicitement cette déchéance.

155. M. Boulatignier (p. 502), tout en enseignant que les parties peuvent demander la déchéance du conflit sur lequel il a été prononcé après les deux mois, pense qu’elles doivent s’adresser à l’autorité de laquelle est émanée cette décision tardive, pour faire reconnaître qu’il n a pas été statué en temps utile, et pour faire prononcer la déchéance. Cette opinion, en même temps et par cela même qu’elle reconnaît que l’ordonnance de 1831 n’a pas voulu déroger à celle de 1828, nous semble oublier l’intention manifeste des auteurs de l’ordonnance de 1828, qui ont voulu, nous le répétons, placer la sanction de leurs prescriptions (quant à ce point spécial et capital) entre les mains de l’autorité judiciaire. En outre, elle prête à une double critique d’une part, il nous parait fort douteux que les parties privées eussent été recevables à demander au Conseil d’État par la voie contentieuse et surtout qu’elles fussent recevables aujourd’hui à demander au Tribunal des conflits l’annulation de la décision rendue sur un conflit [n° 159, infrà) d’autre part, cette procédure, fût-elle possible, aurait précisément, par sa lentenr, l’inconvénient que l’ordonnance de 1828 s’est proposé d’éviter.

156. Dans tous les cas, et voulût-on admettre que la notification faite, pendant le troisième mois, d’une décision rendue après les deux mois, suffit pour empêcher la déchéance du conflit, il serait du moins impossible d’attribuer le même effet à une décision qui serait tout à la fois rendue après les deux mois et notifiée après le troisième mois. Ce double délai étant expiré, la jurisprudence qui prétendrait valider encore le conflit, tant que le tribunal n’aurait pas statué au fond, ne ferait que constituer purement et simplement l’arbitraire : car elle ne pourrait se tracer à elle-même ni règles ni limites. Que deviendraient, dans cette hypothèse, les frais de procédure faits par les parties ? On n’en ferait certes pas porter la peine à l’autorité qui aurait manqué à ses devoirs, et pourtant ce serait justice. Nous n’hésitons donc pas à penser que la jurisprudence consacrerait, au moins pour ce cas, la solution qui, dans notre opinion personnelle, devrait également s’appliquer au cas sur lequel est intervenu l’arrêt que nous venons de rapporter.

157. Reste une troisième hypothèse. La décision sur le conflit peut avoir été rendue dans les deux mois ; mais il peut arriver qu’elle ne soit notifiée qu’après le troisième mois ; le défaut de notification dans ce troisième mois aura-t-il alors le même effet que le défaut de décision dans les deux mois ? L’affirmative nous paraît devoir être nécessairement adoptée si le tribunal, après le troisième mois, a passé outre au jugement du fond, sans qu’une notification lui ait été faite car il n’est pas tenu de vérifier et il ne peut pas même vérifier autrement si le juge des conflits a prononcé ; son jugement est donc régulièrement rendu. La question ne peut réellement faire doute qu’autant que le tribunal n’a pas encore statué définitivement au moment où il reçoit une notification faite dans les conditions que nous venons de poser.

Sur ce point, la Cour de cassation a rendu, le 30 juin 1835 (DALLOZ, V° Conflit, n» 206), un arrêt par lequel, après avoir constaté que l’art. 7 de l’ordonnance de 1831 n’établit pas expressément, à l’égard de l’ordonnance rendue sur le conflit, la déchéance que l’ordonnance de 1828 prononçait à l’égard de l’arrêté de conflit, elle en conclut que le défaut de notification dans le délai fixé ne peut pas autoriser les tribunaux à prononcer cette déchéance.

À première vue, cette solution semble mieux justifiée que celle de l’arrêt du 31 juillet 1837, car on peut dire que, lorsque le juge des conflits s’est conformé aux prescriptions légales, en prononçant sur le conflit dans le délai fixé, l’efficacité et l’exécution du décret intervenu ne sauraient être subordonnées à la diligence que mettra le ministère de la justice dans la transmission des expéditions de ce décret. Cependant, si l’on y réfléchit, on revient de cette première impression. Évidemment, dans ses deux arrêts de 1835 et de 1837, la Cour de cassation a été dominée par des principes parfaitement exacts en thèse générale, mais auxquels l’ordonnance de 1828 a précisément apporté une dérogation que l’ordonnance de 1831 n’a nullement entendu modifier à tort ou à raison, cette dernière ordonnance a établi un mode spécial de notification de la décision intervenue à tort ou à raison, elle a attaché au simple défaut de notification l’effet d’autoriser les parties à reprendre l’instance, qui, ainsi que nous l’avons dit, n’est que suspendue par le conflit, et d’obliger la justice à la reprendre sur leur demande. Vis-à-vis des parties et des tribunaux, il n’y a pas à distinguer entre le défaut de décision et le défaut de notification ce dernier point est le seul qu’il soit tenu de vérifier, le seul qu’ils soient recevables à vérifier ; il équivaut, pour eux, au défaut absolu de décision[1].

ART. 5. — CAS DANS LESQUELS IL n’y A PAS LIEU DE STATUER.

158. Enfin, il existe des circonstances dans lesquelles il n’y a lieu à statuer sur le conflit qui, est alors réputé non avenu, parce que la cause de ce conflit a cessé d’exister depuis l’arrêté du préfet. Ces circonstances se sont présentées, notamment :

1o Lorsque dans cet intervalle une loi nouvelle avait changé ou fixé la législation, en attribuant

  1. Les questions ci-dessus discutées (nos 152 à 157) ne se présentent pas souvent dans la pratique. On peut consulter, dans des sens divers, {{MM.|Duvergier (Collection des lois, 1851, p. 119), Dufour (5e édit. t. III, p. 687), Serrigny (t. Ier, no 205), Boras (t. VII, p. 413), etc.