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Page:Block - Dictionnaire de l’administration française, tome 1.djvu/601

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CONSCRIPTION, CONSEIL D’ÉTAT, 11-16

Le droit de voter ne leur a été donné que par le sénatus-consulte du 18 fructidor an X. Les conseillers d’État furent bientôt divisés en deux catégories : ceux qui appartenaient au service ordinaire, ceux qui appartenaient au service extraordinaire. (Arr. 7 fruct. an VIII.) Ces derniers n’étaient pas appelés à délibérer au Conseil. La liste des conseillers attachés à l’un ou à l’autre service était arrêtée tous les trois mois ; mais d’après le sénatus-consulte du 28 floréal an XII, après avoir été inscrits cinq ans sur la liste du service ordinaire, les conseillers d’État étaient nommés à vie. D’autre part, on distinguait dans le service ordinaire des conseillers d’État qui n’étaient attachés à aucune section, comme le préfet de police, le premier président et le procureur général à la Cour de cassation.

Aux conseillers d’État en service ordinaire, dont le nombre a varié de 30 à 50, l’arrêté du 19 germinal an XI donna d’abord pour auxiliaires des auditeurs qui devaient, d’après cet arrêté, servir de lien entre les ministres et le Conseil d’État et s’habituer à la pratique des grandes affaires. Leur nombre ne devait pas dépasser 11. Mais peu à peu l’institution changea de physionomie la divisionfutfaite entre le service ordinaire et le service extraordinaire, et il y eut plus d’auditeurs en dehors du Conseil qu’il n’y en avait d’appelés à participer à ses travaux. Leur nombre fut porté jusqu’à 350, divisés en trois classes. (D. 11 juin 1806, 26 nov. 1809, 7 avril 1811.)

Entre les conseillers d’État et les auditeurs, le décret du 11 juin 1806 plaça des maîtres des requêtes qui étaient principalement chargés de faire le rapport des affaires contentieuses.

11. Comme le Conseil du roi d’avant 1789, le Conseil d’État se divisait en sections. L’arrêté du 5 nivôse an VIII en avait créé cinq : législation civile et criminelle, finances, guerre, marine, intérieur. Le sénatus-consulte du 28 floréal an XII y ajouta une section du commerce. Mais après l’étude préparatoire faite dans les sections, les membres du Conseil se réunissaient en assemblée générale sous la présidence du premier consul, plus tard de l’empereur et en son absence de l’archichancelier. À ce point de vue, le Conseil d’État différait complètement des conseils d’avant 1789.

12. Pour l’examen des affaires contentieuses, chaque section préparait primitivement le rapport à soumettre à l’assemblée générale. Le décret du 11 juin 1806 institua une commission du contentieux présidée par le grand juge, ministre de la justice, et composée de six maîtres des requêtes et de six auditeurs qui avaient pour mission de faire l’instruction et de préparer le rapport de toutes les affaires contentieuses. Cette commission, qui devint une section du Conseil sous la Restauration, lorsque des conseillers d’État furent appelés à y siéger, établit dans l’instruction et le jugement des affaires contentieuses l’esprit de suite et les habitudes juridiques. Ses travaux ont été le point de départ d’une jurisprudence considérable qui a développé et presque créé sur certains points le droit administratif en donnant aux intérêts privés de sérieuses garanties.

13. Ainsi organisé, le Conseil d’État, composé de jurisconsultes éminents, Cambacérès, Tronchet, Merlin, Portalis, Berlier, Treilhard, Maleville, fut associé à l’œuvre immense de reconstitution de la société et de l’administration qu’avait entreprise Napoléon Ier et qu’il accomplit en si peu d’années. Il suffit de signaler : l’élaboration et la discussion devant le Tribunat et le Corps législatif du Code civil, du Code de procédure civile, du Code de commerce, du Code pénal et du Code d’instruction criminelle, des lois sur le desséchement des marais et les travaux publics, sur les mines, sur l’université. Il faut y ajouter la rédaction des règlements d’administration publique qui organisaient les uns après les autres tous les services publics, enfin le contrôle de tous les actes des administrations départementales et municipales qui engageaient les finances des localités et dont l’exercice vigilant rétablit l’ordre singulièrement troublé par les administrations électives antérieures à l’an VIII.

14. L’influence du Conseil d’État avait été si grande sous l’Empire, qu’une réaction en sens contraire se produisit à la Restauration. Le Conseil d’État, qui figurait dans la Constitution de l’an VIII et dans les Constitutions de l’Empire ne fut pas mentionné dans la charte de 1814. Mais les souvenirs de l’ancien régime eux-mêmes commandaient le rétablissement du Conseil. Il fut réorganisé par une ordonnance royale du 29 juin 1814. L’ordonnance distinguait le Conseil d’en haut ou des ministres et le Conseil d’État ; le roi se réservait de nommer des conseillers d’État, d’Église et d’épée.

Après les Cent-Jours, la réorganisation faite par l’ordonnance du 23 août 1816 fut dégagée des souvenirs de l’ancien régime. La distinction entre le service ordinaire et le service extraordinaire fut maintenue mais le service extraordinaire était divisé en deux fractions : la première composée de membres appelés à participer aux travaux du Conseil, la seconde de membres qui ne recevaient qu’un titre. La liste du service ordinaire était arrêtée tous les ans. L’ordonnance du 26 août 1824, pour donner plus de stabilité au personnel du Conseil, disposa que les conseillers et maîtres des requêtes en service ordinaire ne pourraient être révoqués qu’en vertu d’une ordonnance spéciale. L’ordonnance de 1824 rétablit aussi les auditeurs supprimés en 1814.

15. Mais, bien que la présidence du Conseil d’État fût attribuée au roi, que les princes de la famille royale et les ministres fussent appelés à y délibérer, que plusieurs des hommes éminents formés dans le sein du Conseil d’État de l’Empire, eussent continué à y siéger, entre autres MM. Cuvier, Bérenger, Allent, de Fréville, de Gerando, la situation du Conseil resta amoindrie. Il fut généralement tenu à l’écart de la préparation des lois que les règlements maintenaient cependant dans ses attributions, et il dut se renfermer dans l’examen des affaires administratives et contentieuses qui lui étaient soumises. Du reste, sa tâche fut bien remplie ; il maintint notamment, avec une remarquable indépendance, l’inviolabilité des ventes de biens nationaux.

16. Cependant les attributions du Conseil d’État en matière contentieuse donnaient lieu dans les Chambres à de vives critiques. On contestait la légalité de la juridiction du Conseil. On en demandait la suppression. Les uns proposaient de renvoyer