Page:Block - Dictionnaire général de la politique, tome 2.djvu/155

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et auraient voulu se débarrasser du fardeau de la pensée, c’est à ce moment que sortit du fond de l’Espagne un homme qui n’était plus de la première jeunesse, qui unissait à des visions bizarres un sens positif des plus remarquables, qui avait le besoin de la sainteté sans avoir la notion de l’idéal, et que son caractère, ses précédents, son origine même

destinaient à être le chef du grand parti de l’ordre au sein de l’Eglise.

Iguace de Loyola était né en 1491, d’une vieille et noble famille de Biscaye, mais d’une famille entrée dans le mouvement des cours et de l’absolutisme. Il fut d’abord page de Ferdinand le Catbolique, puis militaire. La vie des camps agit fortement sur son imagination, à la fois très-active et très-matérialiste. Il se conduisit en véritable oflicier, menant de front les prouesses guerrières et les intrigues plus que galantes. A trente aus, nous le trouvons encore préoccupé de deux choses son avancement et la possession d’une dame de Castille. Il ne pouvait comprendre, dit Orfandus, dans son histoire apologétique des Jésuites, il ne pouvait comprendre qu’on put vivre sans une grande ambition, ni être heureux sans un grand amour. »

Ces débuts méritent d’être notés par l’observateur politique. La plupart des saints et des fondateurs d’ordres ont traversé une crise plus ou moins orageuse ; mais même dans la période agitée et moudaine de leur existence éclate une certaine noblesse de tendances et de sentiments. Lisez, par exemple, la vie extraordinaire de François d’Assise jusqu’au moment où le dégo&t des choses passagères vient le visiter et renouveler, il se mêle à l’ardente jeunesse d’Italie ; il est le roi de ses fêtes bruyantes ; mais il’aime les arts, la poésie, la liberté, la cause populaire ; il déteste la tyrannie des empcreurs, il a les fiers enthousiasmes d’un citoyen. Rien de pareil dans Ignace de Loyola il ne connut, dans le premier tiers de sa vie, que les habitudes licencieuses et frivoles d’un gentilhomme en garnison et la sainteté fut obligée de germer sur des vices grossiers danscette âme inférieure où aucun sentiment noble et pur n’avait encore tressailli.

Sa conversion elle-même ne démentit pas son existence. Blessé au siège de Pampelune, il revint au château de son père et demanda un livre pour distraire ses longues heures de convalescence. On lui apporta la F/eMT- des .Mt’H~. C’était une espèce de roman de chevalerie pieuse, comme les aime le génie

espagnol, à moitié chrétien, à moitié arabe. Partout la vie religieuse y était représentée comme une bataille en règle contre Satan, le saint comme un soldat Sdèle qui combat pour Pieu, qui est son roi, et pour la Vierge, qui est sa dame. Ces récits militants et empreints d’un mysticisme matériel le séduisirent. H se rendit d’abord à l’abbaye de Montferrat ; et par un beau soir il se souvint avoir lu le récit chevateresque de la Veillée cles armes. Aussitôt, il <e résolut à copier cette cérémonie, en lui donnant une tournure monastique ; il passa une longue nuit au pied de l’autel et se sacra ainsi lui-même chevalier de Jésus et de Marie. Ce n’est qu’après avoir accompli une multitude d’actes singuliers, mais où ne se retrouve à aucun degré la haute poésie qui distingue les exaltations les plus extraordinaires d’un François d’Assise ou d’un saint Bonaventure, ce n’est qu’après avoir parcouru l’Italie et laPalestine qu’il éprouva le besoin de s’instruire et se mit à fréquenter les universités espagnoles. H ne parait pas qu’il eut grand succès. U s’était passé de science pendant trente-trois ans ; la science lui tint rancune. I) accusa le diabic de ses progrès trop lents et pria son maître Arkebale de lui donner le fouet quand il ne saurait pas sa leçon. Au lieu d’apprendre, il catéchisait et enrôlait déjà des disciples. L’inquisition, qui a toujours tenu un compte médiocre de la sainteté, et qui redoute le zèle, le fit arrêter deux fois. Heureusement pour lui, Ignace ne sa contentait pas d’avoir des visions il avait déjà l’art de se créer des protecteurs. Grâce à leur concours, il sortit deux fois des mains redoutables du Saint-Office ; mais, averti par de si rudes épreuves, il pensa qu’il aurait plus de liberté à Paris et il passa les Pyrénées. C’est, en effet, à Paris qu’il devait obtenir ses premiers triomples. Le 15 août 1534, on le vit s’acheminer, accompagné de six compagnons, vers la colline de Montmartre. Il les appelait ses chevaliers, et il voulut qu’à son exemple, ils prissent la Vierge pour dame de leurs pensées. La messe fut célébrée dans une chapelle souterraine ; et après la communion, les sept Amadis de la dévotions’engagéreut, par un vceu solennel, à tenter la conquête spirituelle de la Palestine, et si ce projet rencontrait trop d’obstacles, à aller à Rome pour se jeter aux pieds du pape et lui oti’rir leurs services. Dès lors, la compagnie de Jésus était fondée ; et, comme on le voit, elle était fondée d~ns le double but de convertir les infidèles et de devenir la milice des souverains pontifes. Ce dernier point surtout mérite toute l’attention de l’histoire. Lap’upart des ordres religieux ont été ’.ttifes au pouvoir de la papauté, mais ils ne l’étaient qu’accidenteHemeut ; ils recevaient ses instructions, mais afin de propager l’Évangile les compagnons d’Ignace, au contraire, s’engagent d’emblée à servir le pape pour’Immême. L’attachement au s~iut-siége n’est plus un moyen, mais le but détmitif et suprême. C’est que le chef de la nouvelle association, esprit agité et faible, cherchait moins dans le catholicisme une lumière qu’un principe d’autorité quelconque, et il y a, du reste, une Curieuse anecdote qui explique à cet égartt la. tendance de son esprit. Plein de je ne sois quels troubles (un jour, pour leur échapper, it fut sur le point de se suicider), it ~’écriait par~ fois, au témoignage de son biographe, le’Pêr~ Rihadeneira e Secourez-moi, Seigneur, sepoù~ rez-moi ; c’est de vous seul que j’attende paix de mon âme 1 Cependant je ne re6]serat ! pas UD directeur qui me viendrait de vbtre