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LIBÉRALISME. 189

la conscience que l’homme libre a de ses droits, mais aussi de ses devoirs ; il est le respect et la pratique de la liberté ; il est la tolérance et la libre expansion. Vivre et laisser vivre, telle pourrait être sa devise, mais à la condition de n’y attacher aucune idée de scepticisme ni d’indifférence, car le libéralisme a une foi, la foi du progrès, la conviction que la liberté est bonne et qu’elle tend au bien, que la vérité se dégage de la discussion, et qu’un perfectionnement indéfini est le mouvement naturel à l’humanité. On peut, dans les individus, d :s4tt~uer le tempérament libéral, l’esprit libéral, le caractère libéral. Le tempérament libéral est une disposition spontanée à la bienveillance, à la générosité, à l’équité ; il peut être naturel ou acquis. L’esprit libéral implique nécessairement une certaine somme d’éducation et d’instruction un tei esprit est ouvert, pondéré, maître de lui, et reconnait à la raison d’autrui les droits qu’il attribue à la sienne. Le caractère libéral est le produit de la combinaison du tempérament et de l’esprit il met le libéralisme en pratique, il traduit en actes !es suggestions du sentiment, les ordres de la raison. j<e fais pas aux autres ce que tu ne veux pas qu’ils te fassent, » telle est sa règle de conduite. Le vrai libéral, le libéral conséquent, est celui qui réclame la liberté même pour ses adversaires, tout droit de légitime défense expressément réservé, bien entendu.

H y a toujours eu, dans les sociétés plus ou moins policées, avec des nuances et des gradations, de tels esprits, de tels caractères, de tels libéraux. Mais ils n’ont souvent été que l’exception, et n’en ont alors paru que plus grands. Une société est libérale quand, en toutes choses touchant le libre arbitre des individus, elle s’interdit lesprêcautionspréventives.eten fait de répression, se contente du nécessaire. C’est pour cela que l’adoucissement des lois pénales va toujours de concert avec les progrès du libéralisme. Une religion est libérale, quand elle n’excommunie pas les autres, et plus libérale encore quand, dans son propre sein, elle aiguillonne, redresse et affermit les consciences au lieu ~c les asservir ou de les énerver. Le christianisme (voir ce mo<),libéral par son principe, s’est montré, dans ses manifestations historiques, tour à tour libéral et oppresseur. Un État est libéral quand il respecte les activitésindividnelieset collectives des citoyens, entantqu’elles n’empiètentpas sutSësdfoittlÈ-~ gitimes, car l’État réclame aussi sa liberté s jLSf. Mais, dans le libéralisme des sociétés coannë dans celui des individus, 8 y a des degrés. Avant le plein épanouissement, il y a les germes, les commencements. 11 peut ravoir un certain libéralisme même dans qql parait foncièrement illibéral. UnëTelig~ intolérante par son principe peut ëtre,ju~n’à~ certain point, tolérante, c’est-t-ttn~/jjtbérale, dans la pratique. Un gon~ememSt absolu peut être relativement p’~s~Bs~UMral ; il l’est un peu, dés qu~t~tt-~fendre à l’excès. les ressorts ~<i~g-~ que, par bienveiltance on pa~~tsN~se quelque jeu à la

liberté des sujets, aux manifestations de l’opinion il l’est bien plus s’il favorise et étend l’instruction, ou s’il use de sa puissance pour introduire, motu proprio, dans les institutions la liberté ou les conditions de la liberté. C’est ainsi que, de notre temps, l’émancipation des serfs en Russie a été un acte libéral d’une trèsgrande portée, accompli par un gouvernement absolu.

Par contre, une république peut ne pas être libérale, quoique la forme républicaine soit certainement, en théorie, l’idéal du !e</yo~e/-Mment ; elle ne sera pas libérale si elle ne sait pas garantir la liberté des citoyens, ou si les minorités y sont opprimées ou même gênées dans leur liberté légitime par la majorité, ou enfin si le grand nombre de ceux qui sont appelés à participer au gouvernement, eu sont incapables par te manque d’instruction et d’indépendance. Dans ce dernier cas, d’ailleurs,

l’Etat républicain est difuciiement viable ; l’élite de la nation est submergée par la multitude, et la multitude, incapable de se gouverner, se laisse aller volontiers à s’incarner dans un maitre. La démocratie, sans capacité libérale suffisante, est toujours exposée à glisser sur la pente du césarisme l’histoire de Rome et quelques autres en font foi.

On voit déjà qu’il est nécessaire de distinguer l’esprit libéral et l’esprit démocratique. On les confond souvent, et le fait est qu’on les trouve souvent méiés dans les grands mouvements politiques, comme ils l’ont été, par exemple, dans la Révolution francaise. Mais il est toujours possible de les discerner.

La démocratie s’attache surtout à la forme du gouvernement. Le libéralisme vise la liberté et les garanties de la liberté. Les deux poursuites peuvent s’accorder ; elles ne sont pas contradictoires, mais elles ne sont pas non plus identiques ni nécessairement connexes etsoi’ustreg~ Dans l’ordre moral, le libéralisme est lïiibërté. de penser, reconnue et exercée. C’est le libé-~ ralisme primordial, comme la liberté de pHtSeE~ est eUe-même la première e~ plus noble dpe~ libertés. L’homme ce gëraM libre a.t~àË degré, dans aucHEe sphère d’action, s’il n’était un ;tro pensant et doué {te conscience. La liberté deà cultes, la .liberté d’enseignement et la liberté de ~presse sont celles qui dérivent le~pius djtectëment de la liberté de penser. Dans tordre économique, le libéralisme est e~ta reconnaissance de la liberté de travail, et d- <. toutes les libertés qui s’y rattachent, y c~ le droit de propriété, extension légitime deia a personnalité humaine.

Dans l’ordre politique, le libéralisme est avant tout la recherche des garanties de la liaerté. Il n’admet pas que les hommes, en s’associant et en créant lasociété politique, soient tenus de sacrifier une portion quelconque de la Uberté~de leur individu. L’idée qu’il se fait du contrat social est tout autre ; il le conçoit tomme une association de tous pour la garantie ~e la liberté de chacun. Seulement, il ne comf~jid pas cette liberté avec l’arbitraire ni avec 1~ faculté d’empiéter sur celle d’autrui. La li-