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Page:Block - Dictionnaire général de la politique, tome 2.djvu/196

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192 LIBÉRALISME.

Nous voulons compléter ce court exposé théorique par quelques données historiques. Ainsi que nous l’avons déjà dit, l’esprit libérât a toujours été présent et actif dans le monde civilisé. Dans l’antiquité, Solon a été un législateur plus libéral que démocratique ; Cicéron a été un publiciste et un homme d’État libéra). La plupart des républiques de l’antiquité ciassique ont débuté par une démocratie libérale et pondérée pour tourner ensuite à la démocratie pure, et tomber enfin dans la démagogie et de là dans le principat, la tyrannie et le césarisme. Toutefois le libéralisme de l’antiquité se distingue par des traits essentiels de ceim des temps modernes. Il concédait, surtout chez les Romains, moins à l’individu, plus à l’État. Le domaine individuel est aujourd’hui plus étendu, plus distinct aussi et mieux défini. L’individu moderne se sent des droits, des devoirs et des rapports tout à fait indépendants de l’État. C’est au christianisme que cette évolution est due en grande partie. De plus, l’institution de 1 esclavage faisait dans l’antiquité, de la liberté la plus élémentaire, le privilége du petit nombre, et le travail, que nous honorons en lui-même et dans ses résultats, était considéré comme dégradant et servile. C’est de l’antiquité que nous tenons ces expressions tout aristocratiques éducation libérale, c’est-à-dire digne de l’homme libre, et arts libéraux, par opposition aux arts mécaniques, opposition fondée sur le préjugé

antique contre le travail de l’artisan, et qui, dans notre société moderne, subsiste sans raison d’être, et par la seule force de l’habitude. Le libéralisme moderne se lattache par une filiation incontestable à la Réforme, dont l’action ne s’est nullement bornée au domaine religieux, ni aux pays devenus protestants. Pour le fond des idées, le dix-huitième siècle français doit beaucoup à l’Angleterre protestante ; Voltaire et Montesquieu en font foi. C’est la France toutefois qui a donné aux idées libérales une valeur européenne. L’Angleterre seule, et, sur le continent, deux États trop petits pour exercer une grande influence, la Hollande et la Suisse, avaient alors un régime libre et des institutions libérafes ;mais,sousl’impulsion de la philosophie française, la plupart des États absolus du continent, les uns par volonté réfléchie, les autres par simple entraînement ou pour céder à la mode, ~ntr~ent plus ou moins dans le coudu lîtS~aiisme. Joseph U, Léopold de Tos~~ncetbien~~f~prinees encore furent, avec

<ies succès iuYer~iës libéraux à leur manière. Frédéric II fut ù&type de despote libéral. Mais la France, d’où partait le mouvement, eut aussi dans Turgot la plus haute et la plus compté :. expression de ce libéralisme d’avant la Révolution et qui eût peut-être conjuré la Révolution, si le pouvoir de Turgot eût égalé son génie et sa volonté.

La Révolution française fnt~e]Ie-même une exptosiou de libéralisme, le plus grand et le plus généreux dont l’histoire fasse mention. Reprenant, précisant, générausaDt tout ce que le dn-huitiéme siècle et les âges précédée ts avaient accompli, tenté on entrevu, elle ~ormn !a ;~ ce qu’on appelle les PRINCIPES DE 89 (oot ?- û~ mot et l’article Constitution de la France),~ code de t’Ëvaugiie I[béra) de l’humanité. Le resu !lat pratique toutefois ne répondit que très-imparfaitement à la théorie. Précisément parce que le libéralisme est, de sa nature, plus réformateur que révolutionnaire, il se trouvait en contradiction avec la tâche redoutable que les

circonstances lui imposaient. Contrairement à son plan primitif, la Révolution fut obligée de remplacer de toutes pièces, et sur des données idéales, un édifice politique eu’ondré, et quand même toutes ses idées eussent été justes, elle eût pu encore ne pas réussir, car les constitutions politiques ne se traitent pas comme un problème de géométrie, et le monde concret ne supporte pas que l’abstraction ne compte pas avec lni. L’Assembiée constituante elle-mème échoua dans la construction de la monarchie constitutionnelle, non-seulement à cause de la faiblesse du monarque et des intrigues de la cour ; mais surtout peut-être pour avoir pris au pied de la lettre et voulu appliquer trop rigoureusement la théorie absolue de Montesquieu sur la division des pouvoirs et la séparation de l’exécutif et du délibératif. Ce fut bien pis ensuite quand, à l’époque subséquente, le CbM<ra< Social eut pris le dessus sur I’E.) ?t< des lois. C’est surtout l’influence de Rousseau. combinée avec de fausses notions de r6tat politique des anciens, qui fourvoya la Révolution. Les Assemblées qui succédèrent à la Constituante furent démocratiques à l’excès, mais nullement libérales. U est vrai qu’il faut aussi tenir compte de la pression des circonstances. U est remarquable que, parmi lesappeUations de parti, si nombreuses an temps de la Révolution, le libéralisme ne ugure pas encore, bien qu’aucune n’eût pu mieux caractériser l’Assemblée constituante dans son ensemble et

dans quelques-unes de ses figures les plus éminentes, avant tout dans Mirabeau, qui est l’homme d’Etat du Iibéra)isme par excellence. L’adjectif d’où est dérivé le substantif n’avait alors encore que son ancienne acception latine et aristocratique. C’est seulement vers l’époque du consulat qu’on saisit les premières traces d’un groupe qui s’appelle ou qui est appelé K&e’ro< ; mais cet exemple n’est pas le seul d’une tendance ou d’une direction de l’esprit existant de tout temps et qui n’arrive à la déûnitioj} d’elle-même qu’à un moment donné.

Nous avons vu, de nos jours, naître le mot césarisme qui répond à une idée antérieure même au nom propre d’où elle est dérivée, à l’idée d’une société démocratique incapable de se gouverner, et qui préfère le despotisme à l’anarchie. On peut dire d’ailleurs, d’une manière génératc, que toutes choses ont existé, et peuveutmême avoir existé longtemps, avant d’être dénommées.

C’est dans une méchante épigMùnme du poëte Écouchard Lebrun, (méchante~Qacs toutes les acceptions du mot) que le mo~KMra~ appara’t pour la première fois comnt dèBiga.