Page:Block - Dictionnaire général de la politique, tome 2.djvu/94

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lui-méme, se décide à faire les frais d’une grande guerre à l’ignorance, croisade pacifique qui coûtera peut-être autant de millions qu’une guerre sanglante, il faut lui montrer sans ménagement et lui rappeler sans relâche la supériorité de ses rivaux. Pour ne parler que de la Prusse, nons citerons le passage suivant dans lequel un instituteur de la Moselle compare notre ignorance à l’instruction de nos voisins : Je suis instituteur dans une commmune peu distante de la frontière prussienne. J’ai eu occasion de voir des écoles de mes confrères allemands. Je suis en contact assez fréquent axée les populations prussiennes de la frontière. Quoiqu’il soit humiliant de le dire, je dois confesser linfériorité manifeste de l’instruction élémentaire de notre population rurale comparée à celle de la population voisine, bien que l’aisance générale y soit inférieure à celle de la plupart des cantons de la Moselle. En Allemagne, le premier paysan Tenu sait lire et comprendre un livre il écrit, il connaît les éléments de la grammaire et du calcul, la géographie et l’histoire élémentaire de son pays ; tl possède une teinture d’histoire naturelle et des notions pratiques d’agriculture et d’économie rurale ; la musique vocale lui est familière. D’où vient donc cette différence énorme entre des populations roisines ? De ce qu’en Prusse l’instruction est obligatoire. Kos maîtres ne sont ni moins capables, ni moins zélés que les instituteurs allemands, mais ils travaillent dans des conditions différentes. Chez nous, le paysan est ignorant, et comme tel, n’apprécie pas l’instruction. Dés que son en~nt a atteint l’âge de sept ou huit ans, il l’utilise aux travaux champêtres. La première communion faite, à douze ans, adieu l’école. L’enfant l’aura fréquentée pendant quelques mois d’hiver. Heujeux le maitre qui sera parvenu à lui enseigner à lire, à écrire, à calculer un peu, à lui inculquer quelques préceptes de morale et de religion Arrivera l’àge de la conscription, et peu de ces enfants seront en état d’écrire la lettre la ptus simple, beaucoup ne sauront plus signer leur nom et une intime minorité saura lire et entendre le livre le plus simplement écrit. »

Quel doit être à l’égard de l’enseignement primaire le rôle de l’Etat ? Son action, qui varie Décessairement d’après la situation et les mceurs de chaque pays, est régie cependant par un principe inviolable et fondamental l’Etat peut toujours et doit quelquefois offrir l’instruction dans des écoles ouvertes par lui, mais à la condition de respecter la liberté d’enseignement et le droit qui appartient au père de choisir l’instituteur de ses enfants. Les enlever à la famille sous prétexte d’éducation on de conversion, est un attentat impie qui ne ressemble en rien à l’instruction obligatoire telle qu’on la demande &ajourd nui. Si dans les républiques païennes, au moyen âge et sous

Louis XIV, cette eonNscation de l’enfance par le communisme ou la persécution a pu trouver des avocats et même des admirateurs, elle ne peut apparaltre au Bein de nos sociétés modetBes ; ms soulever de toutes parts cette r6probation unanime qui a flétri de nos jours l’enièvement de l’enfant juif Mortara’. Quant àla théorie q~’i voudrait refuser à l’Etat toute intervention e :) ms-’ière d’enseignement, et notamment la facilité dorganiser nn enseignement public, eUe ne peut se soutenir. Les peuples les plus jaloux des droits de l’initisiive privée, l’Angleterre si riche en sociétés enseignantes, la Suisse, les États-Unis, n’ont pas hésité à faire appel à l’action du gouvernement et aux fonds du budget pour répandre l’instruction dans les masses. Le système suivi en France qui combine la liberté d’enseignement avec l’institution d’une école puMique dans chaque commune, serait irréprochable si la loi du 15 mars 1850 avait laissé intact ce dernier principe, posé par la loi du 28 juin 1833. Mais elle a cm devoir y déroger en permettant au conseil départemental de dispenser la commune d’entretenir une école publique, à condition qu’elle pourvoira à l’enseignement gratuit, dans une école libre, de tous les enfants indigents- Cette faculté répond trop bien aux instincts d’aveugte parcimonie qui font agir certains conseils municipaux, pour ne pas menacer l’existence d’un grand nombre d’écoles communales. N’ofïre-t-ellc pas un solide point d’appui aux efforts par lesquels l’enseignement congréganiste cherche à se substituer partout à l’enseignement laïque ? Ces eûbrts et les moyens employés pour arriver au succès sont aujourd’hui bien connus. N’est-il pas certain que très-souvent le clergé des paroisses, armé contre le pauvre maitre laïque des pouvoirs que donne au curé l’article 44 de la loi de 1850, a ouvert la brèche par laquelle les congrégations sont entrées dans l’enseignement publie ? N’est- pas notoire qu’à l’aide des puissants moyens d’influence et d’action, et des avantages matériels dont elles disposent, ces corporations, toujours en progrès depuis 1850, sont déjà parvenues dans beaucoup de départements à planter leur drapeau sur les communes les plus importantes

? La lutte ouverte commence d’ordinaire 

par la fondation d’une école libre congréganiste en face de l’instituteur communal laïque qu’elle doit évincer. Ce résultat atteint, l’école corgrèganiste absorbe l’enseignement public si elle devient communale ouïe supprime entièrement si, restant libre, elle profite de la dérogation dont nous avons parlé. Peu importerait même que cette école libre reçût quelques allocations prises sur les deniers communaux. En effet, avant la loi de 1850, toute école libre qui recevait des subventions de la commune ou de l’Etat, devenait, par cela même, soumise aax règlements des écoles publiques et à l’inspection complète, tandis qu’aujourd’hui elle reste tout à fait en dehors du régime des écoles communales et c’est inspectée, comme école libre, en ce qui concerne l’enseignement, qu’au point de vue de la morale, de la Constitution et des lois. Le retour au système de la 1. Il s’agit d’une ~Eaire qni a fait beaucoup de bruit MF* 1860, et qui se passa dans les États pontificaux.