Page:Bloy - Belluaires et porchers, 1905.djvu/195

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personne, qui l’a démontré. Il peut se rencontrer d’exceptionnels infortunés qui soient, en même temps, des artistes et des chrétiens, — c’est justement le cas de mes trois excommuniés, — mais il ne saurait y avoir un art chrétien.

L’Art est un parasite aborigène de la peau du premier Serpent. Il tient de cette extraction son immense orgueil et sa suggestive puissance. Il se suffit à lui-même comme un Dieu et les couronnes fleuronnées des princes, comparées à sa coiffure d’éclairs, ressemblent à des carcans. Il est aussi réfractaire à l’adoration qu’à l’obéissance et la volonté d’aucun homme ne l’incline vers aucun autel. Il peut consentir à faire l’aumône du superflu de son faste à des temples ou à des palais, quand il y trouve à peu près son compte, mais il ne faut pas lui demander un clin d’œil surérogatoire.

Les paganismes anciens avaient avec lui plus d’affinité et le trouvaient beaucoup plus flexible. Il y avait entre eux et lui comme une solidarité mystérieuse de transgression et de blasphème, en vue d’obnubiler la face de Jéhovah et d’effacer de l’esprit humain les primordiales illuminations. Ce fut un enlacement de monstres divins dans les cryptes redoutées des Sérapéums géants et des sanctuaires crottés de sang de l’épouvantable Asie. L’Art fut prodigue, en ces temps anciens, de ses plus colossales chimères et son implacable beauté servait à multiplier partout les affres de l’idolâtrie. Quand le Christianisme