Page:Bloy - Belluaires et porchers, 1905.djvu/213

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licisme, qu’il préférait à toute autre, et sa poésie d’impénitent supplicié fut si sacrilège qu’elle est devenue, par antinomie, suggestive de l’adoration.

L’auteur des Litanies de Satan mit sa confiance dans le désespoir, qui lui fut fidèle, et le cantique fameux qu’il eût pu chanter, las d’attendre, le prit à la gorge et l’étouffa.

Quant aux poètes antérieurs, aux poètes prétendus religieux du dix-septième siècle, je présume qu’il serait d’une efficace vergogne de n’en point parler. Ceux-là chantèrent le Dieu des architectes et des tapissiers de la monarchie et leur poésie d’étiquette ou de catafalque avait juste le prix marchand de l’aumône royale qu’on laissait tomber dans leur sébile.

Non, il faut remonter jusqu’aux époques chenues et voûtées de la Chanson de Roland, du Saint-Graal ou du Grand Hymnaire pour retrouver cet aloi d’accent religieux.

C’est vers le Moyen Âge énorme et délicat
Qu’il faudrait que mon cœur en panne naviguât,
Loin de nos jours d’esprit charnel et de chair triste.

À coup sûr, l’auteur de ces admirables vers sentait profondément l’anachronisme du souffle ancien qui venait expirer en lui. Mais quelle unique destinée que celle de cet homme retrouvant, par un miraculeux atavisme de sentiment, l’enthousiasme crucifié d’une poésie enterrée