Page:Bloy - Belluaires et porchers, 1905.djvu/303

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Il faut penser à l’incroyable anémie des âmes modernes dans la classe distinguée, — les seules âmes qui intéressent Bourget et dont il ambitionne le suffrage, — pour bien comprendre l’eucharistique succès de cet évangéliste du Rien.

Ses analyses boréales amalgamées de Renan, de Stendhal et de quelques pions germaniques, où l’absence infinie de style et de caractère est symétrique au double néant du sentiment et de la pensée, furent sucées avec dévotion par tout un public de mondaines, ravies qu’un auteur qui leur ressemblait condescendît, en leur présence, de ses pâles doigts en glucose, à traire les vaches arides qu’elles gardent avec tant de soin dans les ravissantes prairies de leurs cœurs.

En conséquence, le Sigisbée de toutes ces dames est appelé le « Balzac moderne » !!!

« On ne voit guère, — écrivais-je, au lendemain de Crime d’amour, — qu’un seul homme de lettres qui se puisse flatter d’avoir joui, en ces derniers temps, d’une aussi insolente fortune. C’est Georges Ohnet, l’ineffable bossu millionnaire et avare, l’imbécile auteur du Maître de Forges, qu’une stricte justice devrait contraindre à pensionner les gens de talent dont il dérobe le salaire et idiotifie le public.

» Mais quelque vomitif que puisse être le succès universel de ce dromadaire qui n’est, en fin