Page:Bloy - Belluaires et porchers, 1905.djvu/50

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Dans une sorte de roman, intitulé le Désespéré, publié en 1887 et tout de suite raturé, autant qu’il était possible, par le silence hostile de la presse entière, j’avais écrit incidemment les quelques lignes qu’on va lire, avec l’espoir, longtemps déçu, de suggérer à un éditeur quelconque l’idée généreuse d’une réimpression.

« L’un des signes les moins douteux de cet acculement des âmes modernes à l’extrémité de tout, c’est la récente intrusion en France d’un monstre de livre, presque inconnu encore quoique publié en Belgique depuis dix ans : les Chants de Maldoror, par le comte de Lautréamont, (?) œuvre tout à fait sans analogue et probablement appelée à retentir. L’auteur est mort dans un cabanon et c’est tout ce qu’on sait de lui.

« Il est difficile de décider si le mot monstre est ici suffisant. Cela ressemble à quelque effroyable polymorphe sous-marin qu’une tempête surprenante aurait lancé sur le rivage, après avoir saboulé le fond de l’Océan.

« La gueule même de l’Imprécation demeure béante et silencieuse au conspect de ce visiteur, et les sataniques litanies des Fleurs du Mal prennent subitement, par comparaison, comme un certain air d’anodine bondieuserie.

« Ce n’est plus la Bonne Nouvelle de la Mort dont parlait Herzen, c’est quelque chose qui pourrait s’appeler la Bonne Nouvelle de la Damnation. Quant