Page:Bloy - Belluaires et porchers, 1905.djvu/58

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en dérision ce qu’ils font : ils ont une soif insatiable de l’infini, comme moi, comme le reste des humains, à la figure pâle et longue »… Moi, comme les chiens, j’éprouve le besoin de l’infini… Je ne puis contenter ce besoin ! »

Les six livres de ce long poème d’ironie diabolique et d’imprécations sont assez souvent traversés de ces magnifiques éclairs et, jusqu’aux invectives immondes ou atroces que le maniaque décoche contre Dieu ou contre les hommes — à cause de Dieu, — gardent la trace profonde, malgré tout, d’une ancienne adoration foudroyée.

Je soupçonne cet infortuné de n’avoir été qu’un blasphémateur par amour, exactement, je le suppose, comme il devint un insensé. Après tout, cette haine enragée du Créateur, de l’Éternel, du Tout-Puissant, ainsi qu’il s’exprime, est assez vague dans son objet, puisqu’il ne touche jamais aux Symboles.

Cela même est passablement étrange. Il ne saurait y avoir de blasphème aussi longtemps qu’on ne s’attaque pas à la Croix. Le théologien le plus bête pourrait en donner la raison plausible. On ne peut faire souffrir l’Impassible qu’en dressant la Croix et on ne peut le déshonorer qu’en avilissant ce Signe essentiel de l’exaltation de son Verbe.

Or, ce frénétique, cet écumant contre Dieu