Page:Bloy - Exégèse des Lieux Communs, Mercure de France, 1902.djvu/121

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Le Bourgeois est béatifié pour rien. Aussitôt qu’il commence à puer, les parents et amis déclarent qu’il est bienheureux, tout simplement. C’est vrai qu’on ne le met pas sur les autels, mais il n’y tient pas. L’essentiel, pour lui, c’est d’être bienheureux, c’est-à-dire de ne plus souffrir dans sa viande, car, pour ce qui est de l’âme, il ne l’a jamais sentie.

Et voilà tout, le procès est fini. Pas d’enquête sur les vertus du défunt, non plus que sur ses miracles. Nul besoin d’offrandes, ni de cadeaux coûteux, ni de bulles papales. Le premier voisin remplace très avantageusement promoteur, juges, cardinaux et Souverain Pontife. Quand il a prononcé la formule, il est clair que tout va bien et que le décédé n’a plus rien à craindre.

Le « progrès de la science », d’ailleurs, est venu en aide aux morts, en les délivrant des affres de l’inhumation prématurée. Le four crématoire, plus rassurant que le Requiem, est autrement expéditif. Autrefois, on craignait de se réveiller dans la main du Juge terrible. On tremble, aujourd’hui, de se réveiller dans la fosse, entre les quatre planches d’une bière. Dans l’ancienne peur, on ne finissait pas de prier ; dans le trac moderne, on est réglé subito.

Les employés fourrent vos cendres, mêlées, je pense, d’escarbilles et de mâchefer, dans une urne inconsolablement étiquetée, sur les flancs de laquelle