Page:Bloy - Exégèse des Lieux Communs, Mercure de France, 1902.djvu/238

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du petit Chien ses parents devaient « entrer en jouissance » d’une jolie somme. Il faut leur rendre cette justice que, dès l’instant où cet intérêt prit place dans leur vie, ils ne songèrent qu’aux moyens d’en exclure le pauvre enfant. Il serait téméraire pourtant de conclure que les Chien étaient des canailles. Ils étaient des bourgeois, rien que des bourgeois et, passaient à juste titre pour de fort honnêtes gens. Étant à leur aise, ils avaient horreur des nuages, voilà tout.

Le mari avait une bonne place à l’Hôtel de ville et la femme tenait un cabinet de lecture ou d’aisances, je ne me rappelle pas exactement. L’un et l’autre, d’ailleurs, appartenaient à la catégorie des bien pensants. Ils se seraient fait scrupule de manquer la messe le dimanche et ils patronnaient des œuvres. On disait d’eux avec respect : « Ils ont ceci et cela, sans compter les espérances. » Les espérances, c’était la mort du petit Chien et on les enviait en les plaignant.

— Pauvres Chien ! c’est tout de même vexant pour eux d’avoir ce gamin qui serait si bien avec le bon Dieu ! Tel était le cri général.

Ils avaient un partisan très déterminé dans la personne du gros quincaillier Minet, qui était l’oracle du quartier. — Ah ! si j’étais à leur place !… gueulait-il de temps en temps. Il n’achevait pas, mais, le geste de sa main pliée en équerre dans la direction du sol et coupant l’air de gauche à droite