Aller au contenu

Page:Bloy - Exégèse des Lieux Communs, Mercure de France, 1902.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
22
exégèse des lieux communs

agonisants et les voyageurs, demanda, comme il convient, d’être protégé pendant la nuit, et, pénétré de ces sentiments, courut au plus prochain lupanar.

Car il tenait pour les joies honnêtes. Ce n’était pas un de ces hommes qui se laissent aller facilement aux dissipations frivoles. Il penchait plutôt du côté de la rigueur et ne se défendait qu’à peine d’une gravité ridicule.

Il tuait pour vivre, — comme la plupart des honnêtes gens, — parce qu’il n’y a pas de sot métier. Il aurait pu, à l’exemple de tant d’autres, s’enorgueillir des dangers d’une si chatouilleuse profession. Mais il préférait le silence. Pareilles au convolvulus, les fleurs de son âme ne s’épanouissaient que dans la pénombre.

Il tuait à domicile, poliment, discrètement et le plus proprement du monde. C’était, on peut le dire, de la besogne joliment exécutée.

Il ne promettait pas ce qu’il était incapable de tenir. Il ne promettait même rien du tout. Mais ses clients ne se plaignirent jamais.

Quant aux langues venimeuses, il n’en avait cure. Bien faire et laisser dire, telle était sa devise. Le suffrage de sa conscience lui suffisait.

Homme d’intérieur avant tout, on ne le rencontrait que très rarement dans les cafés, et les malveillants eux-mêmes étaient forcés de lui rendre