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CLXV

La nuit est faite pour dormir.


J’habite, sur la rive gauche de la Marne, un pays qui fut très particulièrement saccagé, pillé, rançonné, détroussé, maltraité de toutes façons par les Allemands, en 1870 et 1871, et où il est impossible de trouver quelqu’un qui s’en souvienne. C’est un peu décourageant pour un citoyen français qui aurait des histoires de guerre à raconter. Précisément, j’en tenais une qui n’eût pas été sans intérêt, mais il faudrait tellement compter sur des âmes qui n’existent plus !

Avec cette espèce de sentimentalité internationale qui voudrait qu’on oubliât l’Outrage horrible et que tout le monde s’embrassât dans un pardon cosmopolite et une chiasse universelle, où trouver un auditeur capable d’avaler l’anecdote des trois Prussiens envoyés ad patres, au milieu d’une nuit assurément faite pour dormir, par un franc-tireur vendéen, leur prisonnier, qu’ils conduisaient au prince de Saxe et qui devait être fusillé le lendemain.

Ce captif à la main leste et au pied léger, qui savait aussi bien que moi-même les Lieux Communs,