Page:Bloy - Exégèse des Lieux Communs, Mercure de France, 1902.djvu/274

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tune, une petite ville du Jutland où j’ai cru laisser mes os. J’y ai donné des leçons de français et j’ai eu jusqu’à trois élèves. Je ne parlerai que du numéro 2, aujourd’hui du moins. Le 1 prendrait trop de place et le 3 fut sans intérêt.

M. Kanaris-Petersen était professeur de langue française dans une école de la ville et jouissait de la plus haute considération. Je sus par lui-même, dès la première heure, que ce nom de Kanaris, si peu danois, malgré l’artifice du K initial, lui était venu, par transmission directe ou indirecte, du célèbre héros grec de la guerre de l’Indépendance !…

Je n’entrepris aucune vérification de cette parenté, mais, l’ayant interrogé sans malice, je fus étonné d’apprendre qu’il ne savait absolument rien des vers fameux inspirés à Victor Hugo par cet admirable corsaire.

Je n’espère pas rencontrer ailleurs une vanité aussi précieuse, une imbécillité aussi succulente, aussi complète. Le Canaris des Orientales « arbore l’incendie ». Le Kanaris jutlandais arbore la pluie et le ridicule. Et quel ridicule ! Il faut connaître le Danemark, avoir vécu dans ce pays de médiocrité idéale, pour apprécier comme il faut l’attendrissante idiotie d’un pion imaginant de se radouber d’un écumeur.

Une extraction si rare exigeait naturellement les plus aristocratiques manières. M. Kanaris Petersen