Page:Bloy - Exégèse des Lieux Communs, Mercure de France, 1902.djvu/285

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que je me suis fait ton serviteur, ce n’est pas de loin que je t’ai touchée ! »

À ce dernier mot, le Bourgeois, le vrai, l’éternel Bourgeois, celui qui fut homicide dès le commencement, bondit en criant :

— Tu m’as touché, toi ! tu oses dire que tu m’as touché, avec tes Mains et tes Pieds percés et ta Face en sang et ta Sueur de sang et les hurlements de ta multitude juive et le ruissellement surnaturel de ta longue Flagellation ! Tu m’as touché ! ah ! vraiment, pauvre Homme-Dieu, pauvre Bon Dieu des anciens temps ! Es-tu seulement une pièce de cent sous pour agir sur moi ? Tu ne voulais pas rire avec ta bienheureuse et ta bienheureuse non plus ne voulait pas rire. Eh bien ! moi, c’est tout le contraire. Je suis un homme gai, un joyeux bougre et je n’ai pas plus besoin de tes Larmes que de ton Sang. Je suis né pour les affaires et la rigolade, et je n’entends rien à la pénitence ni aux extases. On fait ce qu’on peut, on n’est pas des bœufs.

Post-scriptum. — « J’ai eu faim, dira le Juge, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’ai eu soif et vous ne m’avez pas donné à boire… » — Tout ça, c’est très joli, répondront mille charcutiers, mais le carême nous fait rudement du tort.