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exégèse des lieux communs

XLI

Je ne suis pas un saint.


Le Bourgeois n’oserait pas dire : « Je ne suis pas un homme de génie ». Comment ose-t-il dire : « Je ne suis pas un saint ? » Les deux choses doivent lui être également odieuses, puisqu’elles sont d’ordre absolu. Il est certain, cependant, que le soupçon de sainteté a quelque chose de plus lancinant pour l’amour-propre, de plus difficile à supporter. L’homme de génie, en effet, a des chances pour n’être pas indiscutablement et irréparablement un idiot ; le saint n’en a pas. C’est connu.

Mais il faut se rappeler que la langue du Bourgeois, étant exclusive de l’Absolu, doit fourmiller de surprises, de contradictions dans les termes, de non-sens, d’incohérences et de coq-à-l’âne, au milieu desquels il se débrouille très bien, paraît-il, mais qui doivent ahurir un étranger. Moi-même, qui m’efforce de jeter un peu de lumière dans ce gâchis, j’avoue que bien souvent je m’y perds et que je tombe, par l’effet de cette recherche, dans une espèce de coma dont mes amis sont alarmés.

Le moyen, par exemple, de concilier le désir si évident, si bourgeois et si raisonnable de n’être pas