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Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/258

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des cochons qu’on alimente à si grands frais. Ce monsieur n’était pas même capable de la gratitude la plus vulgaire.

C’était, ma foi, vrai. Mon ami le maigre Vénard mangeait assez bien, je ne dis pas non, quand il en trouvait l’occasion, ce qui arrivait, je crois, un peu moins souvent que la conjonction de Neptune et de Jupiter, mais il léchait mal.

On ne put jamais lui faire comprendre qu’un artiste pauvre a le devoir de sucer l’empeigne d’un avorton littéraire qui le régala d’épluchures, un certain jour, et que plus il est grand artiste, plus il a ce devoir.

Il comprit moins encore que l’emprunt d’une pièce de cent sous dût l’engager éternellement aux jean-foutreries de la complaisance et il fut sans respect pour les importants qui le dégoûtaient. De là sa réputation d’ingratitude.

J’ai bien essayé de le défendre. J’ai même poussé l’audace jusqu’à dire qu’il se pourrait, après tout, que quelques repas dénués de faste se trouvassent un million de fois payés par des travaux d’enluminure d’une incomparable magnificence, dont nul ne soufflait mot, et que l’exilé du Moyen Âge avait offert simplement à ses bienfaiteurs.

Mais on m’a fermé la bouche en me faisant observer que les polychromies invendables de ce mangeur ne pourraient avoir une sorte d’intérêt que pour les