Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/264

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tion grandissait de jour en jour, lorsqu’il eut le malheur de perdre sa femme.

Le coup fut terrible. Il aurait fallu de la perversité pour imaginer une compagne plus satisfaisante.

Elle avait vingt ans de moins que son mari, le visage le plus ragoûtant qui se pût voir et un caractère si délicieux qu’elle ne laissait jamais échapper une occasion de ravir.

Le magnanime Tertullien l’avait épousée sans le sou, comme font la plupart des négociants que le célibat incommode et qui n’ont pas le temps de vaquer à la séduction des vierges difficiles.

Il l’avait épousée « entre deux fromages », disait-il avec enjouement. Car il était marchand de fromages en gros et il avait accompli cet acte sérieux dans l’intervalle d’une livraison mémorable de Chester et d’un arrivage exceptionnel de Parmesan.

Cette union, j’ai le regret de le dire, n’avait pas été féconde, et c’était une ombre au gracieux tableau.

À qui la faute ? Question grave qui pendait toujours chez les fruitiers et les épiciers du Gros-Caillou. Une bouchère hispide que le beau Tertullien avait dédaignée l’accusait ouvertement d’impuissance, au mépris des objections d’une granuleuse matelassière qui se prétendait documentée.

Le pharmacien, toutefois, déclarait qu’il fallait attendre pour se former une opinion, et la bienveil-