Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/279

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Tout le monde finit par se reconnaître et voilà la source des pleurs. Depuis Sophocle, ça n’a pas changé.

Ne pensez-vous pas, comme moi, que cette imperdable puissance d’une idée banale tient à quelque symbole, quelque pressentiment très profond, cherché, depuis trois mille ans, par les tâtonnants inventeurs de fables, comme Œdipe aveugle et désespéré cherche la main de son Antigone ?…

Nous parlions des pauvres, n’est-ce pas ? Nous y voilà donc. Cette mécanique émotionnelle est inconcevable sans le Pauvre, sans l’intervention et la perpétuelle présence du pauvre dont je sollicite, par conséquent, le maintien au théâtre et dans les romans.

Le riche, au contraire, ne peut prétendre à aucune sorte de « boisseau ». Il est impossible à cacher, puisqu’il est partout chez lui. Il crève l’œil, il sue son identité par tous ses pores, du moins en littérature. L’univers le dévisage et Dieu même est tellement embarrassé pour lui fabriquer un rôle dans ses Mystères qu’il a dû lui abandonner les pratiques vieillottes et négligeables de la bienfaisance.

Si donc il est nécessaire et même tout à fait urgent de massacrer, j’ose ouvrir le propos d’une sélection préambulatoire, d’une concluante et irréfragable vérification des individus.

— L’anthropométrie des âmes, alors, précisa le psychologue qui s’embêtait ferme.