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Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/63

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Qu’ils avaient été beaux les commencements ! On avait vingt ans, on éblouissait les hommes et les femmes, toutes les fanfares éclataient sur tous les seuils, on apportait au monde quelque chose de nouveau, de tout à fait inouï que le monde allait sans doute adorer, puisque c’était le reflet, l’intaille fidèle des primitives Idoles.

Qu’importait qu’on fût très pauvre ? N’était-ce pas une grandeur de plus ? On avait, d’ailleurs, une besace pleine de fruits qui ressemblaient à des étoiles, ramassés à pleines mains dans la forêt lumineuse, et on ne doutait pas de l’Espèce humaine.

Mais on s’aperçut un jour que le peuple, dégoûté du pain, réclamait à grands cris des pommes de terre, qu’il voulait qu’on lui frottât la plante des pieds avec le gras des petits boyaux des Princes de la Lumière, ― et ce fut le commencement de l’agonie qui dura trente ans.

Elle eut trop de témoins pour qu’il soit nécessaire de la raconter. Le courage, d’ailleurs, me manque. Je ne me réserve, comme il fut dit un peu plus haut, que la dernière et suprême phase très ignorée, celle-là, très profondément ignorée, je vous assure, et dont je veux être le divulgateur implacable.

Nous verrons alors la couleur du front d’un certain pontife.