V
Certes ! je la connaissais bien, cette grande figure audacieuse ! J’avais assez vécu, rêvé, souffert, pleuré devant elle ! Cet éducateur de mon intelligence avait assez passé sur ma destinée à travers mon cœur pour que, — venant un jour à tomber et à disparaître derrière l’horizon de ma vie, — je ne l’oubliasse plus jamais ! et pour que, — dans cette nuit mélancolique de son absence sans retour, — je continuasse de le voir intérieurement, — ce soleil de ma pensée ! — que ma triste pensée poursuivrait jusque dans la mort, comme l’ombre animée de la mort elle-même, comme un pâle miroir de cette grande vie éteinte dont elle garderait la lumière ! Et, à cause de cela, si vous m’aviez dit, avant la prodigieuse vision de ce buste, que je connaissais mal les traits de mon maître adoré : vraiment, je n’aurais pu le croire. Je me serais replié sur ce pauvre cœur où sa main puissante a gravé si nettement et si profondément son effigie, — comme une monnaie à son visage, — et j’aurais eu pitié de votre doute, comme les croyants ont pitié des hérétiques et les vrais amoureux des libertins. Et cependant, vous auriez eu raison. Mais il fallait