Page:Bloy - La femme pauvre.djvu/293

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plus cruel que le nouveau gîte où les transplanta la nécessité leur parut sinistre. L’ayant visité par un tiède soleil de fin d’automne, ils l’avaient jugé habitable, mais la pluie froide et le ciel noir du jour de l’installation le transformèrent à leurs yeux épouvantés en une sorte de taudion humide, sombre et vénéneux qui leur fit horreur.

C’était un pavillon minuscule au fond d’une impasse du Petit Montrouge. Ils l’avaient loué en haine des petits appartements, espérant échapper ainsi aux promiscuités ignobles des maisons de rapport. Trois ou quatre autres bicoques du même genre, habitées on ne savait par quels saturniens et calamiteux employés, exhibaient, à la distance de quelques mètres, leurs hypocondres façades badigeonnées d’un lait de chaux aveuglant et séparées les unes des autres par une végétation poussiéreuse de cimetière suburbain qu’empuantirait le voisinage d’une gare de marchandises ou d’une fabrique de chandelles.

Espèce de petite cité bourgeoise, à prétention de jardins, comme il s’en trouve dans les quartiers excentriques, où d’homicides propriétaires tendent le traquenard de l’horticulture à des condamnés à mort.

Ceux-ci furent accueillis, dès le seuil, par tous les frissons. Clotilde, grelottante et consternée, roula aussitôt son petit Lazare dans un amas de couvertures et de châles, ne songeant qu’à le préserver de l’humidité glaciale, singulière, et attendit, avec une angoisse jusqu’alors inconnue, que les déménageurs eussent fini.

Hélas ! ils ne devaient jamais finir, en ce sens que,