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XXIV



Léopold et Clotilde sont au cimetière de Bagneux. C’est toujours pour eux un apaisement de s’y promener. Ils parlent aux morts et les morts leur parlent à leur manière. Leur fils Lazare et leur ami Marchenoir sont là, et les deux tombes sont cultivées par eux avec amour.

Quelquefois ils vont s’agenouiller dans un autre cimetière où sont enterrés Gacougnol et L’Isle-de-France. Mais c’est un long voyage souvent impossible, et le grand dortoir de Bagneux, qui n’est qu’à dix minutes de leur maison, leur plaît surtout parce qu’il est celui des plus pauvres.

Les lits à perpétuité y sont rares et les hôtes, chaque cinq ans démaillotés de leurs planches, sont jetés pêle-mêle dans un ossuaire anonyme. D’autres indigents les talonnent, pressés à leur tour de s’abriter sous la terre.

Les deux visiteurs espèrent bien qu’avant ce délai, avant l’échéance de cet autre terme de loyer, il leur sera possible de donner une dernière demeure plus stable à ceux qu’ils ont tant aimés. Eux-mêmes, il est vrai, peuvent mourir d’ici-là. Que la Volonté de Dieu soit faite. Il restera toujours la Résurrection des morts qu’aucun règlement ne saurait prévoir ni empêcher.

L’endroit, d’ailleurs, est aimable. L’administration parisienne, qui a condamné l’usage antique de la Croix monumentale, au moment même où elle en multipliait dérisoirement le signe dans le quadrillage systématique de ses