Page:Bloy - La femme pauvre.djvu/81

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combien d’amalgames impurs ! avait fini par se développer en cette créature délicieuse.

La toilette de Clotilde était assurément sans aucun faste. C’était la mise la plus ordinaire d’une de ces trois cent mille piétonnes de Paris qui ont conquis l’univers sans dépasser les boulevards extérieurs. Costume noir de la plantigrade sans remords ou de la passante laborieuse que vingt mille romans ont décrit et dont le prix ne défraierait pas le déjeuner d’une souillonne Impératrice des Indes.

Mais elle portait cet attirail de guerre civile avec la même grâce naturelle que les libellules portent leur corselet de turquoise et d’or. Sa taille s’était redressée. L’armature impérieuse du vêtement féminin relevait désormais son buste et poussait en haut sa tête soucieuse que les mains pénitentielles de la Pauvreté avaient si longtemps courbée.

Le peintre critique, au comble de l’étonnement, braquait en vain toute son analyse, il ne trouvait pas l’ombre d’un écart véniel, d’une discordance ou d’un heurt dans les attitudes ou les façons.

Même la redoutable épreuve du déjeuner ne donnait aucun résultat désenchanteur. Il voulut savoir si elle levait le petit doigt de la main droite en portant son verre à ses lèvres. Elle ne le levait pas. Il ne remarqua pas non plus qu’elle éprouvât le besoin de se cacher la moitié du visage avec sa serviette en parlant au garçon qui les servait, ni qu’elle fit entendre une petite toux mélodieuse en rompant