Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/114

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— Est-ce bien moi qui ai pu être ainsi ! Telle était son impression et, presque aussitôt, cette impression s’effaçait…

Pour faire sa maîtresse de cette ci-devant courtisane dont il était adoré, Marchenoir eût été forcé de la séduire comme une vierge, en passant par toutes les infamies et en buvant toutes les hontes du métier, sans aucun espoir d’être secouru par le spasme entremetteur qui finit, ordinairement, par jeter aux cornes du bouc l’ignorante muqueuse des impolluées.

Le diable savait, cependant, si l’impureté de la repentie avait été ardente et d’autres, en très grand nombre, le savaient aussi, qui ne le valaient, certes, pas, ce Prince à la Tête écrasée ! Qu’étaient-elles devenues, les richesses de cette trésorière d’immondices ? On ne savait pas. Il fallait implorer une rhétorique de souffleur de cornues, se dire qu’on était en présence d’un mystérieux creuset, naguère allumé pour fondre un cœur, et dont les inférieures flammes, après la transmutation, s’étaient éteintes. Le fait est qu’il n’en restait rien, absolument rien.

Marchenoir vivant très retiré, au fond d’un quartier désert visité par très peu de juges, put échapper longtemps aux sentences, maximes, apophtegmes, réflexions morales, admonitions ou conseils des sages. Il n’encourageait pas les inquisiteurs de sa vie privée. Mais on avait fini par savoir qu’il vivait avec la Ventouse, dont la disparition était restée inexpliquée, et quelques clients anciens avaient même entrepris de la reconquérir.

Marchenoir, pour avoir la paix, fit une chose que lui seul pouvait faire. Ayant été insulté par trois