Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/165

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viées de leur sens, écorchaient l’œil et criaient pour qu’on les réintégrât. Le texte symbolique, mutilé seulement d’un iota, n’avait plus de sens et divulguait, de son mutisme soudain, la profanation. Ce que la Providence avait écrit dans la rédivive tradition des peuples, avec des pâtés de sang et des chaînes de montagnes de morts, elle l’avait écrit pour l’éternité, sans que nul grattoir ou acide sacrilège eût jamais été capable d’oblitérer, d’un solécisme durable, ce palimpseste de douleur !

Car, telle était sa cédule évocatoire, à ce magicien d’exégèse, qui voulait que tout comparût à la fois devant le tribunal de son esprit : Toute chose terrestre est ordonnée pour la Douleur. Or, cette Douleur était, à ses yeux, le commencement comme elle était la fin. Elle n’était pas seulement le but, le comminatoire propos ultérieur, elle était la logique même de ces Écritures mystérieuses, dans lesquelles il supposait que la Volonté de Dieu devait être lue. La sentence terrible de la Genèse, à la départie de l’Eden, il l’appliquait, dans sa rigueur, à l’enfantement toujours douloureux des moindres péripéties de l’œcuménique roman de la terre.

Alors, sur cette planète maudite, condamnée à ne germiner que des épines, s’accomplissait, en soixante siècles, pour la race déchue, l’épouvantable dérision du Progrès, dans le renouveau sempiternel des itératives préfigurations de la catastrophe qui doit tout expliquer et tout consommer à la fin des fins.

Les Anges devaient avoir eu peur et pitié de ce spectacle, sur lequel on avait sujet de redouter que ne tombât jamais le rideau d’une pudeur divine ! Les générations humaines toujours dévorées au banquet