Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/216

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ployé subalterne, moins auguste, mais de gréement plus correct, filait avec exactitude sur d’imbéciles administrations ; les gens d’affaires, l’âme crottée de la veille et de l’avant-veille, couraient, sans ablutions, à de nouveaux tripotages ; l’armée des petites ouvrières déambulait à la conquête du monde, la tête vide, le teint chimique, l’œil poché des douteuses nuits, brimbalant avec fierté de cet arrière-train autoclave, où s’accomplissent, comme dans leur vrai cerveau, les rudimentaires opérations de leur intellect. Toute la vermine parisienne grouillait en puant et déferlait, dans la clameur horrible des bas négoces du trottoir ou de la chaussée. Qui donc se fût avisé de soupçonner là, derrière une de ces murailles de rapport dont s’éloigne en gémissant l’ange à pans coupés de l’architecture, une mystique véritable, une Thaïs repentie, une furie de miséricorde et de prière, comme il ne s’en voit plus depuis des siècles ? Et qui donc, l’apprenant, n’aurait pas éclaté de ce rire de graisse qui déculotte les peuples sages, venus à point pour être fustigés ?

L’action qu’elle venait d’accomplir, cette simple chrétienne, était aussi parfaitement inintelligible pour ses contemporains que pourrait l’être la Transfiguration du Seigneur aux yeux d’un hippopotame vaquant à son bourbier. Une si haute température d’enthousiasme répugne invinciblement à la fuyante queue de maquereau de cette fin de siècle. Jamais, sans doute, dans aucune société, l’héroïsme ne fut aussi généralement cocufié par la nature humaine, depuis six mille ans que ce rare pèlerin d’amour est forcé de concubiner avec elle.