Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/241

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savoir. C’était, peut-être, un de ces jeunes prêtres caramélisés dans la blanche confiture des petites puretés « inviolables », qui conçoivent la vie comme une très longue allée d’innocents tilleuls de séminaire, avec une petite statue de Marie sans tache à l’extrémité, au-dessous d’un phylactère édifiant déployé par deux chérubins, pendant que d’immaculées douillettes et d’insexuels surplis vont et viennent, sirupeux de chasteté. Peut-être, aussi, était-elle tombée sur quelque mûr soutanier, admirateur de Fénelon et de Nicole, et farouche ennemi du naturalisme pénitentiel, par conséquent, expulseur impitoyable de tout repentir qui déconcertait les litotes et les hypotyposes de son formulaire. Ces deux variétés de vermine sacerdotale remplacent assez souvent, de la manière la plus effective, les filets du Prince des apôtres par les filets de la morgue où vont se jeter certains misérables, au désespoir desquels il n’avait manqué, jusqu’alors, que le suggestif dégoût de les rencontrer.

La vaillante fille trouva la chose un peu dure, mais absolument normale, et s’en alla, le cœur gros, à la recherche d’un intendant moins parcimonieux de la provende apostolique. Elle eut le bonheur de trouver presque aussitôt, à Notre-Dame des Victoires, un vieux praticien jésuite, mort aujourd’hui, que sa dextérité spéciale comme confesseur de libertins et de prostituées, a rendu célèbre. Ce curieux vieillard de quatre-vingts ans, dont la pénétration psychologique tenait du miracle, a guéri des centaines d’âmes abandonnées. — Je ne pêche que le gros poisson, — disait-il, avec sa bonhomie narquoise d’ancien pandour converti lui-même, — que