Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/248

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bordement de la chevelure. Autrefois, du temps de la Ventouse, cette toison sublime, qui aurait pu, semblait-il, défrayer cinquante couchers de soleil, surplombait immédiatement les yeux, de sa lourde masse, et c’était à rendre fou furieux de voir le conflit de ces éléments. Un incendie sur le Pacifique !…

Quand la Ventouse n’exista plus, cette houle flamboyante reflua comme elle put, dans tous les sens, pressée, tassée en bandeaux, en nattes, en rouleaux, en paquets, écartelant les épingles, mettant les peignes sur les dents, tombant onéreusement sur les épaules et quelquefois sur le bas des reins, jusqu’à ce que, tordue en un despotique et monstrueux chignon, elle pût, enfin, se tenir tranquille, pour l’amour de Dieu.

Il y eut, alors, un front précaire, une étroite bande de front, qui parut incommensurable en longueur d’une tempe à l’autre, et ce fut une nouvelle sorte de beauté, presque aussi redoutable que la première. Maintenant, c’était un troisième aspect navrant et inexplicable. Les yeux paraissaient avoir grossi, la tête, réduite de moitié, fuyait honteusement ; le front, dégarni, était terrible et semblait porter la marque de quelque infamante punition.

Le nez, par bonheur, avait échappé à toute injure. Légèrement aquilin et de dimensions plausibles, un peu plus fin, peut-être, à l’extrémité, qu’on n’eût osé l’espérer de cet irresponsable organe de sensualité, il était flanqué de narines étonnamment mobiles, significatives, pour certaines femmes, d’une cupidité sans mesure, — providentiellement instituée en manière de contrepoids à l’héroïsme