Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/302

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flerie qui menace le céleste Empire du Journalisme. S’il en est ainsi, je suis tout à vous et je vous promets une énergique lieutenance. Je suis très persuadé que, même au point de vue moins élevé de la spéculation, une presse courageuse et, franchement, scandaleusement littéraire, ne serait point une infructueuse tentative. La société contemporaine est hideusement abrutie et dégradée par les pollutions ressassées d’une chronique de trottoir, qui n’a plus même l’excuse de lui donner un semblant de palpitation.

Nos journaux, avouons-le, sont crevants d’ennui. Les délectations américaines du reportage et de la réclame ne sont pas infinies. Si vous étiez un homme énergique et profond, — ai-je dit un jour à cette brute de Magnus Conrart, — non seulement vous m’accepteriez tel que je suis, mais vous grouperiez les gens de ma sorte, absurdement écartés par votre système, et, je vous le jure, nous déterminerions un courant nouveau. Le monde a toujours obéi à des volontés qui s’exprimaient, la cravache ou la trique en l’air. Nous formerions une oligarchie intellectuelle, d’autant plus acclamés de la foule, que nous serions moins capables de la flagorner. Je ne vous connais pas, personnellement, monsieur Beauvivier. Je ne sais de vous que vos livres, dont j’ai dit beaucoup de mal. Qu’importe ? Si vous aimez le talent, pourquoi ne profiteriez-vous pas de votre quasi-royauté du Basile pour tenter cette magnifique aventure dont l’ancien directeur a repoussé l’idée comme une folie ?…

Properce, évidemment préparé à tout entendre, avait pris une attitude de séduction. Il s’était levé