Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/309

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

lionnaires et qui lui ouvre ses bras quand on est seul, ce triomphateur serait tout à fait sans consolation.

Chaudesaigues nage, il est vrai, dans une moindre opulence. Cependant, il dépasse encore les plus cupides sommets littéraires de toute la hauteur d’un Himalaya. Il faut se représenter une façon de juif-auvergnat, né dans le midi, et compatriote de Mistral, un troubadour homme d’affaire, un Lampiste des Mille et une Nuits, qui n’aurait qu’à frotter pour que le génie apparût et l’éclairât. On se rappelle l’énorme succès de son livre sur le duc de Morny, qui avait protégé ses débuts, auquel il devait tout, et dont il épousseta et retourna les vieilles culottes aux yeux d’un public avide qui couvrit d’or le révélateur…

De telles indiscrétions peuvent être le droit absolu d’un véritable artiste, affranchi par sa vocation de toutes les convenances de la vie normale, mais aucun marchand de lorgnettes ne doit prétendre à d’aussi dangereuses immunités, et Chaudesaigues est précisément un des plus bas mercantis de lettres dont le tube classique de cette vieille catin de Gloire ait jamais trompeté le nom.

Il est ce qu’on appelle, dans une langue peu noble, « une horrible tapette ». En 1870, il avait attaqué Gambetta, dont il raillait, le mieux qu’il pouvait, la honteuse dictature. Quand la France républicaine eut décidé de coucher avec ce gros homme, sa nature de porte-chandelle se mit à crier en lui et il fit négocier une réconciliation, s’engageant provisoirement à ne plus éditer le volume où le persiflage était consigné.