Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/342

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pour inspirer le dégoût, ajoute probablement au vertige de sa fascinante crapule. On l’a souvent comparé à un sanglier, par un impardonnable oubli de la grandeur sculpturale de ce sauvage pourchassé des Dieux. C’est une charcuterie et non pas une venaison. La bucolique dénomination de goret est déjà presque honorable pour ce locataire de l’Ignominie. Mais les bourgeois se complaisent en cette figure symbolique de toutes les bestialités dont leur âme est pleine, et qu’ils présument assez épiscopale d’illustration, pour les absoudre valablement de leur trichinose.

Évidemment, le dîner de Beauvivier eût été raté sans ce dernier convive, que Wolff seul eût pu remplacer. Toutes les catégories d’influences par la plume étaient maintenant représentées à l’auge du nouveau satrape, depuis les mastodontes jusqu’aux acarus. Il ne restait qu’à se mettre à table.


LXI


La victuaille fut copieuse et d’une culinarité sublime. Pendant quelque temps, on n’entendit que le bruit des mandibules et de la vaisselle, accompagné, en dessous, du gargouillement hoqueté de la commençante déglutition des vieux. Une parole susurrée ondulait vaguement autour de la table immense, préliminaire d’une conversation générale qui cherchait à se préciser. Des interjections brèves, des exclamations suspendues, de timides interrogats,