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le désespéré

tante et trilogique formule inscrite en bâtardes de feu sur le pennon noir du Nihilisme triomphant :

Vivent le chaos et la destruction !

Vive la mort !

Place à l’avenir !

De quel avenir parlent-ils donc, ces espérants à rebours, ces excavateurs du néant humain ? Ils ne s’arrangent pas des fins dernières notifiées par le catholicisme et protestent avec rage contre l’intolérable déni de justice d’une imbécile évasion de l’âme pensante dans la matière.

Quoi donc, alors ? Nul ne peut le dire, et jamais la pauvre mécanique raisonnable n’avait enduré les affres d’une telle agonie. On s’est raccroché autant qu’on l’a pu, on a essayé de toutes les amarres et de tous les crampons du rationalisme ou du mysticisme humanitaire, pour ne pas tomber jusque-là. Tout vésicatoire philosophique, supposé capable de ressusciter un instant le souffle de l’Espérance, a été appliqué à cette phtisique, depuis l’hiérophante Saint-Simon qui parlait de rédemption, jusqu’au patriarche des nihilistes, Alexandre Herzen, qui en parlait aussi.

« Prêchez la bonne nouvelle de la mort, dit ce dernier, montrez aux hommes chaque nouvelle plaie sur la poitrine du vieux monde, chaque progrès de la destruction ; indiquez la décrépitude de ses principes, la superficialité de ses efforts, montrez qu’il ne peut guérir, qu’il n’a ni soutien, ni foi en lui-même, que personne ne l’aime réellement, qu’il se maintient par des mésentendus ; montrez que chacune de ses victoires est un coup qu’il se porte ; prê-