Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/366

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gresses. Elle renouvelle, sans lassitude, en des cérémonies toujours identiques, l’énorme confabulation du Seigneur avec les hommes :

— Je vous ai créés, vermine très chère, à ma ressemblance trois fois sainte, et vous m’avez payé en me trahissant. Alors, au lieu de vous châtier, je me suis puni moi-même. Il ne m’a plus suffi que vous me ressemblassiez, j’ai senti, moi, l’Impassible, une soif divine de me rendre semblable à vous, pour que vous devinssiez mes égaux, et je me suis fait vermine à votre image.

Vous croupissez, comme il vous plaît, dans la fange rougie de mon sang, au pied de la croix où vous m’avez fixé par les quatre membres pour que je ne m’éloignasse pas. Nous voilà donc ainsi, vous et moi, depuis deux mille ans bientôt. Or, ce bois est affreusement dur et vous ne sentez pas bon, mes enfants chéris…

Je ne vois guère que mon serviteur Élie qui pourrait venir me délivrer, pour qu’il me fût possible, enfin, de vous baptiser et de vous lessiver dans le feu, comme je l’ai tant annoncé. Mais ce prophète est endormi, sans doute, d’un puissant sommeil, depuis si longtemps que je l’appelle dans l’angoisse du Sabacthani !…

Il viendra, pourtant, je vous prie de le croire, et vous apprendrez alors, imbéciles ingrats, ce que je suis capable d’accomplir.

En ce jour, les épouvantes de Dieu militeront contre les hommes, parce qu’on verra la chose inouïe et parfaitement inattendue, qui doit déraciner, jusque dans ses fondements, l’habitacle humain, c’est-à-dire, la translation des figures en réalités…