Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/409

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

çaise, et que tout essai de rédaction l’eût délimitée. L’Absolu est intranscriptible.

Pour cette raison, le Crime d’être pauvre n’est mentionné clairement dans aucun code, ni dans aucun recueil de jurisprudence pénale. Tout au plus, est-il classé parmi les simples délits relevant des tribunaux correctionnels et assimilé au vagabondage, qui n’est, lui-même, qu’une conséquence de la pauvreté.

Mais ce silence est une sanction péremptoire de la terreur universelle qui refuse de préciser son objet.

Indiscutablement, la Pauvreté est le plus énorme des crimes, et le seul qu’aucune circonstance ne saurait atténuer aux yeux d’un juge équitable. C’est un crime tel, que la trahison, l’inceste, le parricide ou le sacrilège paraissent peu de chose, en comparaison, et sollicitent l’attendrissement social.

Aussi, le genre humain ne s’y est jamais trompé, et l’infaillible instinct de tous les peuples, en n’importe quel lieu de la terre, a toujours frappé d’une identique réprobation, les titulaires de la guenille ou du ventre creux.

Puisqu’on ne pouvait édicter aucun châtiment déterminé, pour un genre d’attentat que les législations épouvantées ne consentaient pas à définir, on accumula sur le Pauvre toutes les formes infamantes ou afflictives de la vindicte unanime. Pour être assuré de tomber juste, on empila sur sa tête la multitude des expiations, au milieu desquelles il était impossible de faire un choix, sans danger de caractériser le forfait.

Les indigents ne furent condamnés formellement ni au feu, ni à l’écartèlement, ni à l’estrapade, ni à