Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
44
le désespéré

génieurs poussiéreux et de limousins prolifiques, s’était accrue du double en quelques années et menaçait tout à l’heure, de son inondante obésité, les montagnes à hauteur d’appui qui l’avaient contenue pendant vingt siècles…

En conséquence, le besogneux employé de l’État avait formé le bouddhique vœu d’immerger le fils de ses secrètes ambitions déçues dans ce Brahmapoutre d’or.

À ce point de vue, c’était sans doute un bien qu’il n’eût pas mordu aux humanités. Apparemment, l’estomac de son esprit n’avait été calculé que pour la digestion des mathématiques. Il s’agissait de le gaver sans retard de cet aliment nouveau.

Le pauvre garçon n’y mordit pas davantage. L’hypothèse préliminaire, l’acte de foi primordial, planté comme un basilic sur le seuil de toute science naturelle, suffit pour éteindre, du premier coup, la timide flamme de curiosité que les pollicitantes exhortations de son père avaient paru allumer en lui. L’insuffisance de l’outillage cérébral chez le jeune Périgourdin éclata manifestement, dès qu’il fallut excogiter l’impossible roman d’une ligne conjecturale, problématiquement engendrée par copulation dubitable d’une multitude de points inexistants !…

Il fallut se résigner à de médiocres destins et devenir expéditionnaire. Caïn-Joseph, désormais abandonné comme une lande inculte, livré à une tâche presque manuelle qui ne comprimait plus ses facultés, retourna de lui-même, par une pente insoupçonnée, aux premières études dont il avait paru si prodigieusement incapable. Seul, presque sans effort, il apprit en deux ans ce que le despotisme abêtissant