Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/54

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gneux de la vieille souche gallicane et légataire de son coriace orgueil, il abhorre par-dessus tout la supériorité de l’esprit, naturellement incompressible comme l’eau du ciel, et, par conséquent, dangereuse pour l’équilibre sacerdotal.

L’abbé T… était mort à la peine, peu de temps après la rencontre du Périgourdin. Écarté soigneusement de toutes les chaires où ses rares facultés de prédicateur apostolique eussent pu servir à quelque chose, navré du cloaque de bêtise où il voyait le monde catholique s’engouffrer, abattu par le chagrin au pied de l’autel, il avait à peine eu le temps d’ensemencer ce vivipare dont la monstrueuse fécondité immédiate eût peut-être suffi pour le faire expirer d’effroi.

Il est certain que Marchenoir tenait de lui le meilleur de ce qu’il possédait intellectuellement. Le défunt lui avait transmis d’abstruses méthodes d’interprétation sacrée qui devinrent aussitôt une algèbre universelle dans le miroir ardent de cet esprit concentrateur. L’élève, plus robuste que le maître, avait violemment répercuté du premier coup, dans toutes les directions imaginables, l’ésotérisme brûlant d’un intégral de Beauté divine, que le timide apôtre, de nature moins incendiaire, se bornait à convoiter avec la douceur résignée d’un saint.

Marchenoir accomplit ce prodige de dépasser toutes les audaces d’investigation ou de conjecture, sans oblitérer en lui la soumission filiale à l’autorité souveraine de l’Église. Ce poulain sauvage, affronteur de gouffres, ne cassa pas son licol et resta dans le brancard.

Seulement, il avait réussi de telles escalades que la