Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/77

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

jours d’une disparition que personne ne put expliquer, le corps du pauvre petit fut découvert par Leverdier, à la Morgue, entre un noyé et une assommée qui ressemblait vaguement à sa mère. Il fut établi que le sujet était mort d’inanition.

Comment et pourquoi ? Questions sans réponse, mystère insoluble que rien ne put éclaircir…

Ce fut le bon Leverdier qui passa de jolis instants ! Marchenoir eut quinze jours de frénésie admirablement caractérisée. Il fallut l’intervention du commissaire de police pour l’enterrement et huit paires de robustes bras pour lui arracher le corps de son fils. Il ne se retrouva lui-même qu’au bout de deux mois d’une sorte de fièvre turbulente, son organisme puissant ayant vaincu, — pour lui seul, hélas ! — la mort jugée presque inévitable, une demi-douzaine de fois.


XXI


On conçoit maintenant ce que pouvaient être les idées et les sentiments de Marchenoir, veillant le cadavre de son père qu’il s’accusait d’avoir fait mourir. Le retour spectral de ses propres songes de béatitude paternelle éclairait d’une lumière fantastiquement désolée, — à la manière d’une lune déclinante et rasant le niveau des eaux, — la vengeresse coalition de ses remords. Les remontrances expiatrices de son passé lui faisaient, une fois de plus, indéniablement manifeste, l’inoxydable équité