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LE SERVITEUR DE DIEU

pensées de servir — tremblait lui-même au Nom de Jésus-Christ et à la vue de sa Croix. Il se fit donc chrétien et fut baptisé à Antioche sous le nom de Porte-Christ (Christophorus). Après de laborieuses prédications accompagnées de miracles, il fut enfin arrêté et souffrit le martyre pendant la persécution de l’empereur Dèce.

Son culte se répandit presque aussitôt dans l’univers chrétien. Une croyance ancienne attribue à ce saint le pouvoir de détourner immédiatement tout malheur ou tout accident fâcheux et la piété chrétienne l’a mis au nombre des quatorze auxiliateurs ou apotropéens avec lesquels il partage ce privilège[1]. Il était généralement admis au moyen âge qu’on ne pouvait mourir subitement ni par accident pendant la journée si l’on avait vu une image de saint Christophe. Christophorum videas, disait un vers léonin passé en adage, postea tutus eas : « Regarde saint Christophe et puis va-t’en tranquille. » Or, pour que la bienfaisante et miraculeuse statue fût aperçue du plus loin et par le plus de fidèles possible, on lui donnait une hauteur prodigieuse. On la plaçait pour la même raison aux porches des cathédrales ou à l’entrée des églises. Notre-Dame de Paris a possédé jusqu’en 1786, en ex-voto, une effigie colossale du Porte-Christ de 28 pieds de haut qui s’adossait, comme une tour elle-même, turris ipse, contre le gros pilier de la

  1. Apotropéen, du grec ἀποτρέπειν, détourner. Dans la mythologie grecque, on appelait apotropéens certains dieux protecteurs, tels que les Averrunci des Latins. Lire l’intéressante brochure de M. Adrien Péladan, publiée à Nîmes, chez l’auteur, en 1880 : Saint Christophe, sa vie, son culte, ses miracles. Ce travail très complet donne toute la bibliographis et toute l’iconographie du saint martyr.