Aller au contenu

Page:Bloy - Le Révélateur du globe, 1884.djvu/188

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
160
LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

Lieux-Saints lui coûta dix-huit années d’efforts, de patience, d’humiliation, de gêne, de privations, de luttes contre les dédains de la science et la déflance des cours. » Ce fut là, la cause de ces conditions en apparence exorbitantes qui épouvantaient les rois et le faisaient repousser de partout.

Il alla ainsi, de royaume en royaume, souffrant et dénué, comme il convenait à un ambassadeur du Roi des pauvres, auprès des autres rois qui ne le trouvaient jamais suffisamment accrédité. Infatigable à la façon des Mages adoraleurs, conduit comme eux par une étoile, mais une étoile plus brillante que la leur, celle que l’Église a nommée l’Étoile du matin ; il chercha comme eux, par toute la terre, la grotte mystérieuse où devait naître la Jubilation des peuples et, pendant dix-huit mortelles années, il ne rencontra sur tous les chemins de la chrétienté que des cavernes de voleurs ou des escarpements d’imbécillité dédaigneuse. Malgré les deux défaillances sublimes que j’ai dites, jamais son espérance ne fut lasse, jamais son âme ne dit à son corps : C’est assez, reposons-nous ; le Père de la Patience et la Mère des Douleurs ne peuvent pas exiger davantage d’un pauvre homme conçu dans le péché.

Soutenu par la grâce de son invincible prédestination, il ne paraît pas avoir jamais connu, pendant cette longue recherche, ni ces découragements, ni ces lassitudes qui vont si bien à la faible nature humaine et que la gloire des Héros de la terre est de ne point écouter et de fouler aux pieds quand ils mènent, comme disait Turenne, leurs carcasses’tremblantes là où elles ne savent pas qu’elles vont aller. Son espérance et sa patience furent indéfectibles comme l’Église elle-même, comme